Un petit coup de déprime en ces temps difficiles ? Heureusement, notre ami anglais Tim Burgess est là pour nous rappeler les joies de l’optimisme et les effets bienfaiteurs de la pop classique !
Il est difficile en 2020 d’aimer la Grande-Bretagne, ou plutôt l’Angleterre, autant que nous l’avons aimée depuis que le Love Me Do des Beatles a changé la planète toute entière : entre le repli frileux du Brexit et les positions de plus en plus extrémistes et absurdes de BoJo, on peine à reconnaître un pays qui a éclairé le monde par la jeunesse et le dynamisme de sa culture, et par une liberté de penser qui avait peu d’équivalent ailleurs… Toutes ces valeurs qui ont donné naissance aux plus beaux courants du Rock, et qui ont fait de nous, qui avons eu la chance de grandir entre 1960 et 1970, de sincères anglophiles. Des Kinks au Clash, difficile de trouver une musique qui avait autant de prestance, autant de brio, une musique qui ouvrait autant de fenêtres que de portes…
Réanimer la flamme…
Quoi de mieux pour réanimer un peu notre ancienne flamme que de retourner écouter les vétérans du champ de bataille de la pop qui restent encore actifs ? Et ça tombe bien, car en ce mois de mai ensoleillé mais plein de doutes, c’est au tour de ce vieil ami de Tim Burgess de nous tendre le mouchoir dans lequel nous sécherons au moins un temps nos larmes amères.
Son nouvel album, I Love the New Sky (… mais quel nouveau ciel y a-t-il à aimer, aujourd’hui, Tim ?), commence curieusement par une citation directe du Boys don’t Cry de Cure, une référence qu’on n’aurait pas forcément attendue de la part du leader des Charlatans, ouvrant Empathy for the Devil, dont le titre est un autre clin d’œil amusant… mais qui s’avère une chanson robuste : mélodie affirmée, spectre musical audacieux entre gospel et rock’n’roll, impossible de ne pas s’emballer. Et ce d’autant que les trois titres suivants sont encore meilleurs : Sweetheart Mercury est une véritable perle pop, qui, à une autre époque, aurait pu être un hit mondial, et qui ne ressortira pas de sitôt de notre tête ; Comme d’Habitude (encore une référence, à Cloclo cette fois ? Ha ha ha…) est le premier sommet de l’album, à la fois merveilleusement évident et formidablement complexe, mêlant les genres sans se perdre en chemin – entre un baroque de comédie musicale (« Would you please return the ring ? ») et une touche de rock californien, on y discerne des influences US, qui vont se confirmer dans la suite de l’album ; et enfin Sweet Old Sorry Me n’aurait pas déparé sur un album de Harry Nilsson.
Les vertus de l’optimisme…
La suite n’est peut-être pas tout-à-fait aussi stratosphérique, car cette ouverture magistrale de I Love the New Sky est sans doute meilleure que tout ce que Paul McCartney a pondu ces quarante dernières années, mais chacun y trouvera de quoi se réjouir : l’étonnante conclusion citant le Velvet Underground de The Warhol Me, le feeling West Coast de Lucky Creatures qui s’inscrit paradoxalement sur des cordes somptueuses, le swing jazzy « à la Steely Dan » de The Mall. Only Took A Year est d’une légèreté qui rappelle les belles compositions de Colin Moulding durant les premières années de XTC. Quant à l’envol extatique final de Laurie, il sera bien difficile de le critiquer…
On apprend que la genèse de I Love You the New Sky a été longue et compliquée, et que l’album a été composé et enregistré dans un studio du Norfolk, quasiment coupé du monde : gageons que c’est grâce à ce travail et à cette isolation volontaire des horreurs par lesquelles passe en ce moment l’Angleterre, que ce cher Tim a pu retrouver le bel esprit de la pop anglaise « classique », tout en ouvrant généreusement sa musique à toutes les influences qu’il considère comme importantes. D’ailleurs, I Got This invoque l’époque bienheureuse des rythmes envapés du rock baggy, et prône un optimisme inaltérable : « It’s gonna get better ! Keep on climbing, one day you’ll be flying ! » (Tout va aller mieux ! Continuez à monter, et un jour vous pourrez voler !).
Certains qualifieront peut-être cet album de gentillet, de simpliste, de trop prudent dans son désir de rester dans le pré carré d’un certain classicisme. Il nous semble plutôt confirmer que le talent de Tim Burgess est bien vivace, et il constitue surtout une petite raison de se réjouir : 53 minutes de bonheur ensoleillé, ça ne refuse pas en 2020 !
Eric Debarnot