Entre 24 Heures Chrono et John le Carré, Homeland a peiné à trouver le juste équilibre et ne restera pas dans les mémoires comme une « grande série », même si cette conclusion est honorable…
Au cours de sa seconde partie, et une fois abandonné son thème initial de l’infiltration de l’Amérique par les idées terroristes, Homeland a oscillé de manière de plus en plus incohérente entre un pôle vertueux, celui de la description mi-fascinée, mi-horrifiée des jeux mortels entre espions, politiciens et pays alliés ou ennemis (son penchant « John Le Carré« ) et un autre, évidemment plus gênant, car outrancier et assez naïf, consistant à sombrer dans le spectaculaire façon 24 Heures Chrono, avec complot à la Maison-Blanche et menace de guerre nucléaire. La septième saison voyait Homeland toucher le fond, et on pouvait craindre le pire pour cette conclusion d’une série qui avait, comme beaucoup, dépassé sa limite de péremption.
On ressentira donc un certain soulagement en constatant que les scénaristes ont abandonné pour ce dernier volet les aspects les plus irritants de la série, ses rapports avec sa fille et sa sœur – quasiment inexistants ici, ce qui n’est pas des plus logiques, mais passions… – et ses désordres mentaux, très vite évacués après le premier épisode. On aimera beaucoup également la vision cynique – ou réaliste, suivant ses propres opinions politiques – des alliances et dés-alliances entre les différents joueurs sur l’échiquier politique afghan : Homeland nous rend ainsi – relativement, car un épisode nous rappelle l’insupportable condition féminine dans un état islamistes – sympathiques certains Talibans, qui ne sont plus les habituels affreux méchants caricaturaux. De la même manière, si la Russie reste le grand adversaire de l’Amérique, la relation entre Carrie et Gronov (un Costa Ronin tout aussi touchant et ambigu que dans The Americans) modère sensiblement le jugement que la série porte sur cet « ennemi héréditaire ». Enfin, la représentation des luttes intestines à la Maison-Blanche entre « faucons » ex-néo-cons et « réalistes » (toujours impeccablement incarnés par le charismatique Mandy Patinkin) pour influencer un président pusillanime sonne assez juste.
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Il est donc d’autant plus dommage que la tentation du « bigger than life », de « l’apocalyptique » prenne le dessus pendant une partie de la saison : si l’effet d’excitation est indéniable, tant nous sommes sensibles à ces scénarios-catastrophes qui caressent notre fascination pour le chaos dans le sens du poil, il est indéniable aussi que Homeland y perd crédibilité et élégance, et que ces excès l’empêchent définitivement de rejoindre des séries aussi exemplaires que le Bureau des Légendes ou The Americans sur le haut du panier des séries d’espionnage.
La toute conclusion, vaguement hitchcockienne, de la saison, et donc de la série, est loin d’être ratée, mais on se demande néanmoins si elle ne constitue pas surtout un happy end visant à réconforter le grand public, et donc une indéniable lâcheté quant au constat fort pessimiste qu’il serait normal de tirer de cette suite ininterrompue de mensonges et de trahison.
Eric Debarnot