En 1997, Takeshi Kitano – encore inconnu en occident – remportait le lion d’or de la Mostra de Venise avec son 7 ème film: Hana-bi. Avec Hana-bi, Kitano-san parvient à canaliser son style, à affiner ses obsessions en ciselant son cinéma et les thématiques qui lui sont chères ( peinture, gunfights, jeux de plage et bien d’autres). Kitano fera son entrée en grandes pompes dans le cinéma international, à la grande surprise de ses compatriotes Japonais – pour qui « Beat » Takeshi n’était qu’un clown de télévision – et transformera durablement le Yakuza-eiga des 90’s avec ce mélange improbable d’ultra-violence stylisée et de poésie contemplative.
Le mont Fuji, c’est ce Japon éternel, celui qui ne meurt pas…
Hana-Bi c’est…
Un poème. Une poésie tragique. C’est une balade désenchantée vers le gouffre.
C’est cette violence sans fard qui éclabousse de rouge les visages et les toiles. C’est cette mélancolie morbide que l’on voit se dessiner sur le visage de Nishi et dans les peintures d’ Horibe.
C’est l’inexorable et maudite trajectoire de destins brisés.
Hana-Bi c’est…
Un flic paumé, poursuivi par la mort. Voilà Nishi !
C’est la mort. Omniprésente.
La mort que lui promettent ces yakuzas vindicatifs ou celle que la maladie a promise à sa femme. C’est cet instinct, animal, qui le pousse à faire ce braquage.
Pour oublier. Pour fuir. Loin…… Loin..
Au mont Fuji. Le mont Fuji, c’est ce Japon éternel, celui qui ne meurt pas, celui vers lequel Nishi amène sa douce pour son dernier voyage. Pour un espoir.
L’espoir de la rendre comme ce mont, comme cette plage de sable blond, comme cette mer immuable au ressac infini : La rendre éternelle.
Hana-Bi c’est…
« Beat » Takeshi. Un acteur mutique. Un charisme hypnotique, une présence cannibale.
Une gueule de flic pourri ou de truand sympathique, qu’on n’oublie pas, lacérée de balafres et de tics nerveux. Une dégaine de cow-boy de comédie. Un jeu épuré, minimaliste, et un humour de Buster Keaton moderne.
Une violence, brutale, frontale; qui ne laisse pas le temps de détourner les yeux.
Hana-Bi c’est…
Takeshi Kitano. Un réalisateur obsessionnel.
Un bord de mer, une plage, comme un berceau, comme un tombeau où tout se crée et tout se défait.
Des fleurs, des fleurs à foison comme une respiration avant les flingues.
Des peintures oniriques mêlant animal et végétal tel le rêve du fumeur d’opium. Pareilles à des interludes apaisants au milieu du chaos.
Une violence, brutale, frontale; qui ne laisse pas le temps de détourner les yeux. Une violence très présente et traitée comme une simple émotion, filmée avec la simplicité et l’innocence d’un baiser amoureux.
C’est une caméra qui s’attarde sur un paysage, sur des personnages. Des plans fixes qui durent toujours cinq secondes de trop, comme pour déshabituer le spectateur à ces rythmes préfabriqués de série policières Américaines, dont nos cerveaux formatés ont gardé le pli.
Hana-Bi c’est…
Joe Hisaishi. Un compositeur habité.
Des cordes envoûtantes, collant au plus près des émotions des personnages. Soulignant avec grâce et subtilité la beauté picturale des plans de Kitano, sans jamais la surligner.
Une musique importante, essentielle (Comme dans tous les Kitano, d’ailleurs.), comme un scénario invisible dont l’absence changerait le sens de l’histoire.
Kitano faisant surgir de sa noire désespérance la plus brillante des lumières.
Hana-Bi c’est…
Un film. Une oeuvre qui ne laisse pas insensible.
Si on ne l’aime pas, on est obligé de la détester; et si on l’aime, on ne peut que l’adorer.
C’est de la violence.
Ce sont ces explosions soudaines de violence comme une ponctuation donnant son rythme au film, parasitant constamment cette recherche fragile et délicate du bonheur.
C’est de la beauté.
Kitano faisant surgir de sa noire désespérance la plus brillante des lumières.
Hana-Bi c’est…
De la violence, de la musique, de la peinture, de la beauté, de la haine, de l’amour…
Hana-Bi c’est…
Un feu d’artifice…
Renaud ZBN