Trois jeunes femmes et un banquier traversent la Belle Epoque avec ses grandes mutations et ses cruelles catastrophes jusqu’à l’assassinat de Jaurès, annonciateur de la Grande Guerre.
La Belle Epoque, c’est peut-être ce qu’a voulu nous raconter Stéphane Bret en mettant en scène des héros dont le prénom commence toujours par « A ». des héros qui traversent tous les événements qui marquent cette époque si florissante et en même temps si cruelle. « C’était le monde des grandes inventions : le cinéma, l’automobile, le téléphone, la construction du métropolitain ; c’était aussi celui de la tuberculose, de la prostitution, du manque d’hygiène dans certains quartiers, des inégalités sociales, de la souffrance du monde du travail et celui de l’inégalité entre hommes et femmes… ». Aude, la jeune couturière, découvre le monde des travailleurs, la CGT, la SFIO, le féminisme, les suffragettes l’homosexualité et son amante Adèle. Adrienne préfère le monde de la nuit, des plaisirs tarifés, au bras de son client le plus assidu : Arnaud le banquier qui s’enrichit en investissant dans les nouvelles colonies. Le choc de deux mondes dans un bouillonnement scientifique, intellectuel et culturel. Un bouillonnement si intense qu’il provoque la guerre qu’on qualifiera de Grande car on pensait qu’il ne pourrait y en avoir une plus terrible.
Mais, le projet de Stéphane Bret ne s’arrête peut-être pas à ce rappel historique, il est certainement aussi un cri d’alarme qu’il lance à la jeunesse actuelle en lui montrant combien cette Belle époque était semblable à celle que nous vivons actuellement : une période charnière entre deux époques, un monde qui se meurt avec la bourgeoisie impériale, un monde naissant avec la fée électricité, l’automobile, le téléphone… Comme aujourd’hui, le monde issu d’une autre guerre, avec ses Trente Glorieuses, se meurt sous les assauts de la mondialisation et du couple infernal formé par la fée informatique et le diable téléphone.
L’assassinat de Jean Jaurès, pour beaucoup, a marqué le départ du déchaînement de violence conduisant à la Grande Guerre. Le massacre de Charlie Hebdo ou le bien triste sort de George Floyd pourrait-il marquer l’entrée dans une nouvelle ère de violence mondialisée ? Stéphane Bret lance un avertissement, notamment à la jeunesse, pour lui rappeler que l’histoire n’est qu’un éternel recommencement même si certains pensent qu’elle ne repasse jamais les plats.
Et avec Jacques Brel, il chante :
« Demandez-vous belle jeunesse
Le temps de l’ombre d’un souvenir
Le temps du souffle d’un soupir
Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?
Pourquoi ont-ils tué Jaurès ? »
Denis Billamboz