Loïc Clément, auteur qui ne prend pas les enfants pour des idiots, ajoute à ses contes des cœurs perdus un récit intimiste, à la croisée du fantastique et de la comédie sociale, prouvant qu’il n’y a pas d’âge pour aimer.
Jeannot, retraité, possède un don unique : il peut communiquer avec les arbres et les plantes. Pourtant, pour ce jardinier dans l’âme, ce don est devenu un calvaire, et ça ne s’arrange pas avec le temps. Les échanges amoureux entre les arbres de son jardin le mettent en pétard ! De plus, Jeannot est obsédé par l’ordre et n’hésite pas à couper tout ce qui dépasse, y compris les branches ou les feuillages envahissants… Et puis il y a Josette, cette veuve qu’il a rencontrée au parc et qui lui a tapé dans l’œil… Mais comment pourrait-t-elle le supporter plus qu’une autre, lui, ce vieux ronchon qui sous sa colère constante semble masquer une douleur silencieuse ?…
Il n’y a pas toujours besoin de longs discours pour exprimer un propos fort. Et cette petite BD jeunesse très courte, qui se lit en deux temps trois mouvements, en est la preuve. Avec comme point de départ une idée originale consistant à prêter aux végétaux la faculté de communiquer entre eux (hypothèse on ne peut plus dans l’air du temps) mais surtout avec un être humain, en l’occurrence Jeannot, Loïc Clément dresse le portrait d’un être blessé par la vie, notamment par la séparation d’avec son épouse lorsqu’il avait quarante ans. En s’abritant derrière ses obsessions d’un environnement ordonné, le retraité bougon et solitaire, armé de son sécateur, fait régner sa loi d’airain dans son propre jardin, rejetant tout sentimentalisme, qu’il s’agisse des plantes dont il ne supporte plus les constants bavardages ou des humains qu’il croise dans le parc. L’amour, ce n’est pas pour lui, d’ailleurs il a passé l’âge pour ces bêtises ! Son aigreur colérique, il l’exprime en coupant les branches de ses deux arbres amoureux lorsqu’ils tentent de s’enlacer… Et pourtant, la rencontre avec cette petite vieille insignifiante, Josette, risque bien de remettre en cause ses certitudes. Et peut-être de le libérer enfin de ce secret qui le rend si malheureux…
Le dessin semi-réaliste de Carole Maurel s’accorde parfaitement au récit simple et bien narré de Clément. Le choix de couleurs en demi-teintes, entre le vert, le jaune et le rouge, confère à l’histoire une douceur automnale tout à fait adaptée. Sous des dehors humoristiques dans sa première partie, c’est un récit sensible et plein de sagesse que nous proposent les auteurs. Un récit qui serait comme un cadeau des anciens en direction des plus jeunes, une exhortation à vivre leur vie intensément, un « carpe diem » bienvenu pour soulager les blessures du passé.
Laurent Proudhon