Son nom ne vous dira pas grand chose mais vous avez croisé souvent le chemin de Renaud-Gabriel Pion, que ce soit sur les disques de Christophe, Ryuichi Sakamoto ou Hector Zazou. Avec le projet Hinterwelt et In Silico, il joue avec le minimalisme, le bruitisme et l’expérimentation avec une subtilité et une élégance rare.
Son CV laissera songeur et rêveur nombre d’entre nous, musiciens ou non-musiciens. Sans le savoir, vous avez croisé sa personnalité singulière mais discrète bien plus souvent que vous ne le pensez. Tout récemment aux côtés de Christophe pour ses dernières tournées, de Ryucihi Sakamoto, David Sylvian ou encore Bertrand Burgalat.
En parallèle, il poursuit une carrière solo d’instrumentiste, la clarinette comme instrument central et de coeur, mais aussi et avant tout multi-instrumentiste et compositeur volontiers aventureux. La musique de Renaud-Gabriel Pion joue avec les frontières tant géographiques que stylistiques. Il sera bien difficile de dire ici si nous circulons dans des effluves Jazz, là dans des brumes expérimentales. Entre spectres des balkans, réminiscences turques, géorgiennes ou estoniennes, Renaud-Gabriel Pion se ballade dans le monde en contemplateur intérieur. On pourra glisser dans ces matières mouvantes et presqu’impalpables des liens possibles avec les œuvres les plus apaisées d’Arve Henriksen. Toujours dans un jeu avec le silence et la dissonance, la musique de Renaud-Gabriel Pion s’appréhende comme un tout, comme une entité globale, comme une addition de sensations, de troubles et fantômes mi-cérébraux et mi-sensuels.
Si l’on n’y prête pas attention et que l’on ne se laisse pas happer par le voyage ici proposé, on n’y entendra que des formules un peu abstraites, des séquences sans continuité. Mais qui s’y attardera y trouvera au contraire un monde en soi, une forme de terra incognita, à mi-chemin entre Jon Hassell et Fela Kuti. Passionnant de bout en bout, In Silico a une qualité rare, la complexité. Il ne prend jamais le chemin de la facilité faisant à chaque instant appel à l’intelligence de son auditeur, à son imagination aussi. On pourrait le rapprocher de David Chalmin dans cette démarche commune entre IDM, Contemporaine et Jazz.
Avec une belle intelligence, Renaud-Gabriel Pion construit une lente narration, une possible dramaturgie pour l’essentiel taiseuse si l’on fait exception du sublimissimme Radiance avec Lisa Papineau (entendue chez Pet, Big Sir ou encore Air, M83 ou Jun Miyake) entre trip et dream pop.
Renaud-Gabriel Pion nomme parfois ses obsessions, leur donne une notion géographiquement localisable, l’homme semble imprégner d’orientalisme tant dans ses structures mélodiques que dans ses travaux rythmiques. On pensera aux premiers Ryuichi Sakamoto souvent.
A la fois radical et esthète, Renaud-Gabriel Pion poursuit une recherche, une quête (osons les grands mots !), certes parfois ardue mais irradiante. Son univers sombre ressemble un peu à ses propres travaux photographiques à découvrir au plus vite, poussant plus loin encore un langage de l’abstraction, la subjectivité et l’instant forcément périssable.
Greg Bod