Xavier Ridel, quand il se plonge dans son projet solo Waterwalls, semble vouloir se confronter à lui et lui-seul à travers des chansons au bord de l’anecdotique qui ne les rendent que plus précieuses. Des hymnes miniatures qui débordent de spleen et d’égo meurtri.
Il y a un je ne sais quoi, un petit quelque chose d’indéfinissable dans France, 94, le nouveau disque de Waterwalls, nom du projet derrière lequel se cache le patron du label parisien In Silico, un certain Xavier Ridel, croisé il y a quelques mois sur le superbe mais plus complexe Anom. Ce je ne sais quoi, on pourrait le qualifier de désuet, d’un peu hors du temps voire rétro, la faute à cette voix toute en reverb, comme provenant des profondeurs. Enregistré comme on le sent avec les moyens du bord, France 94 cherche cette notion de l’authenticité vraie, cette quête pourrait-on dire.
Ce qui marque notre attention dès la première écoute, c’est ce jeu permanent entre des forces contraires, des sensibilités opposées. Ce que l’on pourrait appeler une douceur sèche ou une sécheresse douce, une douleur silencieuse ou le silence de la douleur. Xavier Ridel s’emploie à nous perdre sans dire grand chose, sans affirmer pleinement quoique ce soit. Il irrigue son folk doucereux d’une forme de distanciation, d’éloignement pudique face à son auditeur qui ne fait finalement paradoxalement que plus le fixer au centre. On retrouve ce dandysme modeste que l’on entendait dans les complaintes asséchées de Codeine, dans les disques de Chris Brokaw. Fort de l’héritage des canons du genre Bedroom Pop, Xavier Ridel confectionne une musique à la fois familière, à la simplicité assumée et à la préciosité modeste.
On pensera parfois à Ola Flottum et son groupe The White Birch pour ce jeu avec la glace, l’élément liquide et les espaces creux comme autant de zones en clair-obscur, des lieux de non-droit où l’on ne sait jamais trop faire la différence entre apathie et empathie.
Enregistré donc avec les moyens du bord en trois petites journées, France 94 ressemble en bien des points en une oeuvre d’expulsion de soi, un acte tranquille pour revenir sur le passé, faire table rase et ne garder que les moments heureux, que les photos aux légendes floues, la mélancolie sait s’y faire sourde et alanguie avec ce petit quelque chose que l’on entend dans les chansons tristes des tropiques. A force de ne rien vouloir révolutionner, à force de citer ses références (Leonard Cohen, Matt Elliott), c’est peut-être ainsi qu’il parvient à nous bouleverser avec un disque qui ne cherche jamais à être autre chose que ce qu’il est, à savoir un recueil de chansons au mystère tenace.
Un peu trop court pour s’imposer totalement, France 94 installe malgré tout une signature et une personnalité attachantes et intrigantes. Peut-être un futur auteur en devenir, certainement un artiste que l’on se plaira à suivre avec intérêt. Pour rappel, Xavier Ridel est aussi à la tête du label In Silico avec quelques belles signatures dans son catalogue. Il nous tarde donc de le retrouver sur un format plus long où il pourra construire confortablement les fondations de sa pop de chambre à coucher.
A suivre donc mais je mets fort à parier que l’on reparlera de Xavier Ridel sous le nom de Waterwalls ou sous une autre identité car assurément le monsieur a des choses à nous offrir….
Greg Bod