Et si on avait en Hervé Hadmar, auteur de Pigalle La Nuit, Les Oubliées, Au-Delà Des Murs ou plus récemment de Romance, l’un des plus grands auteurs contemporains du petit écran français. A travers ce conte fantastique dans le Biarritz de 1960, il nous égare entre drame et dérive poétique. Une réussite majeure.
Longtemps la France n’a pas été une terre pour le format sériel en télévision et ce malgré une tradition feuilletonesque bien présente dans notre littérature et notre paralittérature. Que ce soient Pierre Souvestre et Marcel Allain avec Fantômas ou Gaston Leroux avec Rouletabille, toute une série d’auteurs a contribué à créer un genre entre récit picaresque, sens du suspens haletant et cliffhanger avant l’heure. Pourtant, quand il s’agit de transposer ces idées en images, les résultats furent souvent décevants si on laisse de côté l’âge d’or de la télévision française dans les années 60. Les années 70, 80 et 90 furent un grand désert créatif et ce n’est qu’à la toute fin des années 90 que l’on sentit un léger frémissement se faire sentir avec une véritable apothéose dans les années 2010. Combien de séries poussives avec des dialogues à la truelle il nous fallut subir avant de rencontrer de grandes séries comme Canal+ (en particulier) ou encore Arte purent nous en proposer.
Mais sans doute si l’on devait donner une date pour l’émergence de grands auteurs, on pourrait citer l’année 2008 et l’apparition d’un duo de créateurs, Marc Herpoux et Hervé Hadmar, qui, à eux deux réunis, eurent la démarche ambitieuse d’amener la série française vers quelque chose de plus adulte, comme une proposition autre que le seul cinéma ou comme un calque paresseux des voisins américains. Cette série, c’était Les Oubliées avec dans le rôle principal Jacques Gamblin, ce sera la première de quatre travaux communs entre les deux auteurs. Depuis, Hervé Hadmar s’est libéré de cette collaboration. En 2015, il est revenu avec une série déjà fantastique, la troublante Au-Delà Des Murs.
Romance est d’abord porté par un casting luxueux. On y trouvera la magnétique Olga Kurylenko croisé chez Malick ou James Bond, Pierre Deladonchamps découvert dans L’inconnu du Lac d’Alain Guiraudie, Pierre Perrier dans la série Les Revenants, Simon Abkarian fidèle parmi les fidèles de Robert Guédiguian ou encore Barbara Schulz.
La narration peut paraître simple ou convenue : C’est l’histoire d’une femme mystérieuse, belle à en mourir. Une femme en danger. Une femme qui refuse d’aimer et d’être aimée. D’un homme qui voyage, de Paris à Biarritz et se retrouve par amour projeté au cœur de l’été 1960. Mais et finalement et si l’aventure importait peu et qu’il fallait plus se laisser porter par les impressions et les suggestions ? A travers cette reconstitution soignée, Hervé Hadmar ranime les images d’un vieux club de Jazz, le Wonderland mais c’est un autre monde qu’il convoque finalement. Reconstituer ce club de Jazz offre une belle opportunité à Hervé Hadmar pour intégrer de beaux moments musicaux entre les groupes qui égrènent blues, vieux Rock et Jazz survoltés. Il faudra insister sur la bande-son, le morceau sublime en générique d’Helen Merrill Bewitched et on mettra en évidence l’importance dans le scénario de Deep Blue Sea D’Odetta.
Ludique jusque dans sa réalisation et son scénario, Hervé Hadmar manipule le réalisme magique à la manière d’un Pierre Mac Orlan. Le quotidien se trouble d’étrangeté tout en restant ô combien familier, on est loin des canons d’une horreur toute contemporaine et toute hollywoodienne. Le voyage dans le temps du personnage principal est accepté comme tel et on ne reviendra jamais vraiment dessus. Hervé Hadmar use également des références plus comme des clins d’œil ou des hommages, on pensera bien sûr à Henri-Georges Clouzot, à Boileau-Narcejac, à Pierre Very et son Pays Sans Etoile (1945). Ne faut-il pas reconnaître dans le personnage inquiétant de Chris incarné par Pierre Perrier un lointain cousin du Delon de Plein Soleil (1960) de René Clément ?
Pierre Mac Orlan disait (et il n’avait pas tort) :
« L’aventure n’existe pas. Elle est dans l’esprit de celui qui la poursuit, et dès qu’il peut la toucher du doigt, elle s’évanouit pour renaître bien plus loin, sous une autre forme, aux limites de l’imagination. »
Pour autant, Romance n’est jamais rétrograde, il est plus à côté du temps. Il parvient à travers ce paradoxe temporel à nous faire ressentir une mélancolie du temps présent. Les couleurs sont chaudes comme les sentiments parfois au bord du lyrisme.
On trouvera bien quelques grincheux pour reprocher certaines prévisibilités à certaines trames dans la narration mais quand on voit la pauvreté de la proposition faite par le service public en terme de séries, on ne peut que s’incliner face à la maîtrise de ces six épisodes. La psychologie des personnages y est fouillée, les interactions entre eux souvent inattendues. Pierre Deladonchamps y est magistral de sensibilité et de pudeur.
Une belle série qui offre son lot d’interprétations jusque dans sa chute finale que l’on ne dévoilera pas ici. Une merveille !!!
Greg Bod
« Cette série, c’était Les Oubliées avec dans le rôle principal Jacques Gamblin, ce sera la première de quatre travaux communs entre les deux auteurs. Depuis, Hervé Hadmar s’est libéré de cette collaboration. En 2015, il est revenu avec une série déjà fantastique, la troublante Au-Delà Des Murs. »
Non, c’est faux, Marc Herpoux a co-écrit Au-Delà Des Murs avec Hervé Hadmar. Il y a bien eu 5 collaborations entre eux deux (voire 6 si on compte les 2 saisons des Témoins):
1. Les Oubliées
2. Pigalle
3. Signature
4. Les Témoins S1, et S2
5. Au-Delà Des Murs
Romance est donc sa première série solo.
Dernier point: Pourquoi dire « qu’Hervé Hadmar s’est libéré de cette collaboration »? Sous entendez-vous qu’il en était prisonnier jusqu’ici?
Ce n’est pas l’écho que j’en ai…
Bonjour à vous Marc,
Mes propos étaient bel et bien maladroits, j’en suis désolé si je vous ai froissé. Tel n’était pas mon but. Votre travail avec Hervé Hadmar est la signature de deux auteurs, en aucun cas je ne souhaitais parler de collaboration dans laquelle s’enfermait Hervé Hadmar, au contraire, à vous deux réunis, vous avez créé des séries ambitieuses et fines, je voulais simplement dire que pour la première fois, Hervé Hadmar travaillait seul sur une série.
Hâte de vous voir réunis à nouveau à l’avenir peut-être pour une troisième saison des Temoins… (Merci pour le clin d’oeil à Magic et aux Cocteau Twins dans la saison 02 des Témoins)
Cordialement
Greg Bod