Entre littérature policière jeunesse et échappées lynchiennes, L’Affaire des hommes disparus est l’ouvrage le plus étrange de l’été. Par deux auteurs venus des terres mystérieuses qui virent grandir Stephen King…
Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans la petite ville de Hobtown. Des habitants disparaissent mystérieusement, tandis que les meurtres se succèdent sans que l’on parvienne à mettre la main sur l’assassin. Dana, une lycéenne passionnée d’enquêtes policières, va tenter avec ses amis de résoudre cette énigme qui empoisonne la vie de la cité paisible…
Paru en France au tout début de l’été, L’Affaire des hommes disparus est une sorte d’OVNI, concocté par deux jeunes auteurs, amis d’enfance ayant passé toute leur vie dans deux provinces canadiennes méconnues à l’est du Québec, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse. Edités en version française par la jeune maison d’édition montréalaise Pow Pow, Alexander Forbes et Kris Bertin inaugurent avec ce récit policier insolite une trilogie intitulée Les Mystères de Hobtown, dont le second tome est déjà disponible pour le public anglophone.
C’est d’abord le graphisme qui interpellera le lecteur. En noir et blanc, à la fois détaillé et pourtant encore un peu vert, le dessin parvient à instaurer une ambiance très particulière en symbiose avec l’étrangeté de l’histoire. Le style hachuré se rapproche de la mouvance alternative US, ajoutant une note ombrageuse.
Située en Nouvelle-Écosse, la narration est assez touffue, et il faut bien l’avouer, parfois un brin laborieuse, que n’aide pas forcément la représentation des visages un peu relâchée. Pourtant, les auteurs réussissent à imposer un univers assez unique, aux limites du fantastique, qui pourrait se situer à la croisée du Club des cinq, de Stephen King (pas si étonnant quand on sait que la Nouvelle-Écosse jouxte le Maine !) et de Twin Peaks, et même de Charles Burns ou Daniel Clowes, pour ne citer que des références bédéesques.
L’Affaire des hommes disparus est assurément une histoire troublante, et en refermant le livre, on ne saura vraiment de quelle façon décrire ce que l’on a vu. Oscillant entre l’enquête policière et le cauchemar halluciné, Kris Bertin semble lui-même avoir hésité sur la direction à donner à sa narration, délaissant la structure au profit peut-être d’une trop grande improvisation. Mais la tension qui irrigue le récit permet en revanche d’aller jusqu’au bout des 300 pages, la conclusion laissant augurer d’une suite tout aussi mystérieuse… Pour les curieux et amateurs de David Lynch.
Laurent Proudhon