Avec Hit the Road, Khaled et Dobbs signent un polar américain très noir, alliant une classique histoire de vengeance à une quête féminine d’émancipation.
1969, Reno, Nevada, le pays de la poussière, des reptiles et des bikers. Vicky cherche à avorter. Joe Wolfen sort de prison. Tous deux appartiennent à la Famille, un gang de dealers dirigé d’une main de fer par la Vieille. Petite-fille de la matriarche, Vicky n’aspire qu’à quitter le milieu pour vivre du tatouage. Joe compte se venger et récupérer son argent.
Dans les années 60, Ray Charles chantait :
Hit the Road Jack and don’t you come back no more
Woah Woman, oh woman, don’t treat me so mean,
You’re the meanest old woman that I’ve ever seen
Aujourd’hui, la vieille femme n’est pas seulement mesquine, mais méchante et impitoyable. Joe, tu aurais mieux fait de filer et de prendre la route.
Professeur en histoire du cinéma, Dobbs crée un monde noir qui évoque ceux de Tarantino et des frères Coen, dans leur veine la plus sombre, voire celui du Dark Knight de Nolan, des références flatteuses. L’homme y est un loup pour l’homme. Méfiez-vous de l’auto-stoppeur, il se révélera, sans surprise, psychopathe.
Le dessin de Khaled magnifie un scénario, somme toute classique, de vengeance. Les oppositions d’ombre et de lumière, les jeux de reflets sur les vitrines et les pare-brise, la précision du travail sur les véhicules et les décors, rappellent le trait du William Vance des premiers albums de XIII. Mais, ses personnages sont meilleurs, leurs visages moins stéréotypés. Les cadrages sont originaux et variés, les frappes bien rendues. Khaled alterne les séquences dans le désert ensoleillé et les scènes de nuit. Il aime manifestement les Mustang et les pony cars, les regards durs et les bêtes sauvages. La plus dangereuse de ses créations n’est pas le crotale, l’aigle ou le chien loup, mais la Vieille. En prime, il nous offre, une très belle page onirique autour d’un loup garou.
L’album est court. Une fois achevé, ses héros peinent à s’effacer. Ils sont si bien campés qu’ils mériteraient, une fois n’est pas coutume, un second tome. S’il vous plaît, messieurs !
Stéphane de Boysson