Unanimement célébré, The Climb est l’un des événements du cinéma indépendant de cet été. Si la démarche de ses auteurs est formidablement originale, on peut avoir du mal à adhérer au systématisme de l’approche aussi bien qu’au discours assez misogyne du film.
Décidément, c’est une vraie tendance du cinéma d’auteur que réaliser d’abord un court métrage, pour ensuite, en fonction du succès critique de celui-ci, de l’étendre à un long. Il y a peu, on a pu applaudir le traitement audacieux appliqué par Sorogoyen à son Madre, on sera beaucoup plus circonspects vis-à-vis de ce The Climb, court de 2018 transformé par ses auteurs Michael Angelo Covino (réalisateur, scénariste, acteur) et Kyle Martin (scénariste, acteur). Célébré dans les festivals, très bien reçu par les critiques, The Climb peut se résumer à une formule assez simple : la chronique à travers le temps d’une bromance toxique, filmée dans cette tonalité indie US qui est devenue la marque – quasi-caricaturale – du Sundance Festival.
Ceci posé, à quoi avons-nous affaire ici ? On commence, comme pour Madre, par le court métrage, une petite dizaine de minutes originales et drôles qui nous embarquent impeccablement, en « danseuse » sur les routes françaises au-dessus de Nice. On se retrouve pour le second chapitre un an plus tard, aux USA, pour une scène tragi-comique filmée dans le même esprit, qui se conclut par un étonnant « clip musical gospel ». Et on passe au troisième chapitre, qui confirme le mécanisme… qui vire très vite au procédé. Kyle, le bon mec sympa que tout le monde aime et Mike, le pervers toxique qui devient de plus en plus détestable au fur et à mesure du film s’aiment, se haïssent, se séparent, se réconcilient. Poids et pilosités varient d’un chapitre à l’autre, suggérant qu’un laps de temps s’est également écoulé entre chaque filmage. Autour de Kyle et Mike, le ballet familial habituel, avec la mère possessive, le père dépassé, les sœurs méchantes, et surtout l’amoureuse / fiancée / épouse / ex- qui ne saura, évidemment, jamais aimer comme aime le copain. Et chaque chapitre se centre sur un événement burlesque ou dramatique, censé nous faire rire en nous horrifiant en même temps. Avant de se conclure en musique, dans des registres différents, mais toujours relativement… ringards, le sommet étant atteint avec les insupportables chansons de variétés françaises.
https://youtu.be/thJZAjb-v1g
Plus The Climb avance, plus on décroche, voire s’ennuie, plus on s’irrite devant un couple de personnages principaux finalement assez détestables, et devant des procédés humoristiques qui sont toujours à la limite de l’ironie surplombante, en particulier vis-à-vis des femmes : la conclusion, à vélo à nouveau, entre mecs bien entendu, confirme nos pires attentes vis-à-vis d’une bromance aussi prévisible qu’une autre, indie ou pas. Bien sûr, on aura bien ri, on aura apprécié le rythme original, la recherche du temps réel dans chaque scène alors que la caméra virevolte en plans séquences autour d’un dispositif finalement très théâtral.
C’est néanmoins le côté « européen », voire « français » du film, qui le distingue notablement d’une comédie américaine beaucoup plus « efficace », qu’on aimera retenir, et qui fera qu’on attendra quand même avec intérêt le prochain film de Michael Angelo Covino, surtout une fois débarrassé du « poids » d’une certaine autobiographie.
Eric Debarnot