Entre un cinéma populaire à la Francis Veber et les comédies barrées d’Antonin Peretjatko, le premier film du duo Hugo Benamozig / David Caviglioli propose un divertissement convenu mais tout de même assez plaisant.
La comédie française a désespérément besoin de sang neuf. Alors que la situation sanitaire lui laisse les coudées franches dans des salles désertées, on peut accueillir avec espoir ce premier essai du tandem Hugo Benamozig et David Caviglioli, d’autant que le premier a déjà fait ses armes à l’écriture de la série Platane. Le casting peut faire le reste, épaulé par une nouvelle génération plus habituée aux formats courts (Jonathan Cohen) ou aux plateaux télé (Vincent Dedienne), ou la présence de Catherine Deneuve qui n’a plus rien à prouver et adore l’idée de mettre son aura magnétique au servie d’une comédie absurde.
Le résultat oscille entre plusieurs influences contradictoires. Convenu dans son écriture, le scénario convoque des modèles à la Francis Veber, comme La Chèvre par exemple, avec un personnage mal assorti à un cadre dans lequel il jure forcément. La première partie, très traditionnelle, n’en est pas moins comique lorsqu’elle exploite le raffinement intellectuel qu’on connait bien à Vincent Dedienne pour le confronter à la brutalité bestiale du milieu qu’il se pique d’étudier. Le comique de caractère aligne ainsi les types, et joue de ce fantasme colonialiste de l’anthropologue qui fait ici état d’un monde qui concentre, au cœur de la jungle, toutes les dévastations de la mondialisation, entre esclavage, pollution, épicerie chinoise et toxicomanie collective de haut niveau.
L’autre modèle auquel on pense forcément dirige davantage vers des tentatives plus récentes et novatrices, à savoir le cinéma d’Antonin Peretjatko et bien évidemment son dernier opus en date, La Loi de la Jungle qui jouait sur les mêmes motifs. Force est de constater que l’absurde sera ici plus policé et les délires moins audacieux, même si certaines sorties de routes permettent des scènes assez savoureuses, notamment dans le comique de répétition (le mot « terminé » dans l’échange au talkie-walkie, par exemple, ou l’incompréhension de l’accent québécois pour indiquer la direction à prendre) ou des parodies amusantes (Dedienne en Kurz d’Apocalypse Now, Cohen dans un interrogatoire de bad cop).
Le souci réside dans l’équilibre accordé aux récits : l’alternance entre l’intégration dans la communauté par Dedienne et la recherche pilotée par Deneuve avec le gendarme Jonathan Cohen favorise clairement le second volet, où la satire de l’administration française et de l’incompétence, même si elle aussi éculée, fonctionne au point qu’on se languit un peu de Jonathan Cohen lorsqu’on reste trop longtemps avec Dedienne.
Tout cela n’a pas grand sens, et tout le monde en est conscient, à l’image du rôle très anti glamour d’Alice Belaïdi, ou du regard brusquement lucide d’Eliott sur sa quête lors du dernier plan. On ne boudera cependant pas ce film qui met surtout en valeur des comédiens ravis de livrer leurs pitreries, et des cinéastes qui ont de l’idée dans l’écriture de ces dernières.
Sergent Pepper