A la recherche du polar scandinave perdu, nous tombons sur Jørn Lier Horste et nous nous retrouvons un peu déçus devant l’application sans imagination des recettes habituelles…
Depuis le choc qu’avait représenté pour les fans de « romans policiers » la lecture en 2006 de la trilogie Millenium de Stieg Larsson, auquel avait succédé la découverte passionnante de la version « série TV » des polars scandinaves avec Forbrydelsen (The Killing) et Bron / Broen / The Bridge dans la foulée, beaucoup d’eau a passé sous les ponts. Et notre enthousiasme s’est progressivement émoussé, à de rares exceptions près (Jo Nesbø et Arnaldur Indridason, pour faire simple…).
C’est avec pas mal d’espoir qu’on a attaqué notre première lecture d’un polar de Jørn Lier Horste, écrivain norvégien très vendeur, présentant deux caractéristiques intéressantes : d’abord il a été lui-même policier et enquêteur, et ensuite il écrit aussi des livres pour enfants ! Malheureusement, ce ne sera pas encore son Usurpateur qui ravivera la vieille flamme, même si le plaisir de la lecture ne saurait être nié… au moins jusqu’à une conclusion décevante qui frôle la négligence de la part de son auteur : en laissant complètement tomber l’un des deux « côtés » de sa double enquête, il nous frustre, et pire, encore, il instille un doute quant aux ambitions réelles de son livre.
Car, si l’on réfléchit un peu aux mécanismes de la narration, construite en deux enquêtes parallèles qui se rejoignent (comme toujours… ou du moins beaucoup trop souvent…), au thème central, désormais bien usé, du serial killer, et aux rapports bien peu développés entre le père policier et sa fille journaliste (on peut mettre cette étonnante vacuité sur le compte de la froideur nordique, avec l’impression de jouer là avec un cliché bien improbable…), on doit bien avouer qu’on a affaire ici à un polar des plus conventionnels.
C’est d’autant plus dommage que l’histoire en elle-même présentait de nombreuses opportunités de développement intéressant, toutes esquissées pour être finalement largement ignorées. On aurait ainsi aimé voir creusée la question des rapports entre agents du FBI débarqué des US et policiers locaux, développée la relation amoureuse (?) entre la jeune journaliste et l’analyste américain, sans même mentionner le formidable thème central de la solitude croissante dans nos sociétés de plus en plus inhumaines, qui ne débouche sur par grand-chose, sinon que cet abandon semble surtout, d’après Jørn Lier Horste, être causé par la marginalité de personnes bien peu aimables !
Bref, l’Usurpateur est un livre particulièrement alléchant, qui nous laisse salement tomber en se concluant comme un banal polar comme il en existe des centaines, voire des milliers…
Eric Debarnot