Passé inaperçu à sa sortie en 2018, Love Songs, le premier album autoproduit de Inflatable Dead Horse ressort en 2020 sur We Are Unique! Records et dévoile une rare splendeur électrique. La découverte d’un futur artiste / groupe majeur ?
Parce qu’il n’y a pas que les toutes dernières nouveautés parues dans le mois, voire la semaine qui nous passionnent, tentons une session de rattrapage d’un album auto-édité et paru initialement, mais très confidentiellement, en 2018, et auquel We Are Unique ! Records donne une seconde chance avec une distribution plus « normale ».
Posons d’abord Love Songs de Inflatable Dead Horse sur notre platine sans essayer de savoir quoi que ce soit de ses auteurs : que découvrons-nous ? Un démarrage très rock, avec Better Days et Burn It Down, deux brûlots mi-grunge, mi-noise énervés, qui ont la particularité d’avoir, au-delà de leur rythme furieux et des dérapages soniques de guitares électriques qui fleurent bon le jusqu’au-boutisme des années 90, de vraies mélodies, qui les rendent immédiatement accrocheurs et surtout addictifs au bout de quelques écoutes seulement. Mais nous n’avons encore rien entendu… Car l’album prend dès son troisième titre un virage pour le moins inattendu : A Spoonful Is Enough arrête la rage, et reconvertit toute l’énergie déployée jusque là en une complainte très émotionnelle, que l’on croit d’abord rattacher confortablement à un certain genre de désespoir cobaïnesque avant que des chœurs légers ne confirment que Inflatable Dead Horse a une sensibilité pop exacerbée.
Mais le plus beau reste à venir : alors que l’on imagine facilement un retour sur les terres électriques après la pause de rigueur, voilà que se déploient devant nous trois longues, douces et précieuses chansons de quatre minutes chacune (Green Light, A River Has Its Reasons, Christmas at the Institute, trois pures merveilles…), qui lorgnent plus du côté de l’Art sensible – et sombre – d’un Cohen ou d’un Nick Drake que d’autre chose. Néanmoins, et c’est là la grande intelligence de Love Songs, ce qui rend cette musique si diablement séduisante, l’électricité n’est jamais complètement abandonnée et continue de nourrir ces très beaux morceaux d’une tension qui ne se relâchera jamais vraiment.
La voix du chanteur, qui évoquait au début de Love Songs la gouaille britannique post-punk, est passée sans qu’on le réalise vraiment à un registre intimiste, mais en même temps simple, direct, qui confère aux chansons une évidence lumineuse. Comme si cette musique avait toujours fait partie de notre vie. Comme si on l’avait toujours attendue.
Retour aux incantations et aux déflagrations noise avec Oh Marie Laure, qui constitue le pilier « Rock » de Love Songs : avec les amplis à fond, on imagine bien combien ce déferlement d’électricité rageuse sur laquelle la voix part en vrille, et qui finit dans un paroxysme bruitiste va être satisfaisant en live. Puissance et lyrisme, deux atouts de plus dans le jeu de Inflatable Dead Horse !
Love Songs enfonce le dernier clou avec In Our Backyard, huit nouvelles minutes lentes d’une ballade romantique (« Give me love that I can drown in ! ») et électrique, suspendue au-dessus du vide, débordant à nouveau de cette splendeur évidente qui, on le sait désormais, est la marque de Inflatable Dead Horse. Wouaouh !!!
Une fois emballés par cet OVNI dont on regrette amèrement, pour le coup, d’avoir manqué son premier atterrissage il y a trois ans, on va à la pêche aux informations. On découvre alors que ce disque est – presque – français, puisqu’il a été enregistré dans le Sud du pays, avec des musiciens locaux. Mais que son maître d’œuvre s’appelle Dan Mark Williams, jeune Gallois amateur de grunge, de punk-rock et de… folk gracieux, qui s’est un jour égaré sur les routes de France, et n’est jamais reparti.
Espérons que cette seconde chance que lui offre la sortie nationale de son chef-d’œuvre – oui, on pèse nos mots – convaincra Dan de rester en France et surtout de poursuivre la construction d’une œuvre aussi brillamment entamée.
Eric Debarnot