Peut-être parce qu’elle venait dans la foulée du succès de Big Little Lies, la mini-série Little Fires Everywhere n’a pas encore reçu l’attention qu’elle mérite, du fait de la complexité de la vision familiale et sociétale qu’elle propose.
On connaît l’intérêt de Reese Witherspoon pour la promotion, à travers les films et séries TV qu’elle produit ou / et qu’elle interprète, d’idées progressistes quant à la position de la femme dans la société américaine, ainsi qu’aux questions raciales, le tout sans tomber dans le militantisme donneur de leçons, mais en privilégiant au contraire le divertissement intelligent. Après la réussite des deux saisons de Big Little Lies, la voici donc de retour avec une nouvelle mini-série « ambitieuse », Little Fires Everywhere, inspirée d’un best-seller US de Celeste Ng.
Pas forcément très remarquée en France lors de sa mise en ligne par Amazon Prime, peut-être parce que l’aspect « policier », sur le modèle du flashback de Big Little Lies (sur le mode : revenons en arrière pour comprendre ce qui s’est réellement passé…), est moins prépondérant. La série brasse des sujets fondamentaux sur les rapports raciaux aux Etats-Unis et sur la nature de la maternité (le grand thème souterrain qui émerge peu à peu au sein d’un scénario complexe…) avec un certain nombre de lieux communs aux films sur les tourments de l’adolescence américaine, ce qui affaiblit peut-être son propos… tout au moins jusqu’aux derniers épisodes où finit par apparaître la totalité du projet, un peu à la manière de la maquette finale de la ville réalisée par Mia et « admirée » par son ennemie Elena. La banalité un peu irritante de certains conflits – en particulier autour des rapports amoureux entre adolescents – est alors heureusement dépassée par la complexité étonnante des rapports entre les personnages, et par certaines scènes réellement poétiques.
https://youtu.be/WouBBO5zfDY
Si l’on peut déplorer un certain nombre de partis-pris « à la mode », comme le fait de brandir l’homosexualité féminine comme une sorte d’étendard de l’émancipation, ou une tendance un peu facile à blâmer la bourgeoisie blanche pour sa (fausse) ouverture d’esprit, on ne peut néanmoins qu’apprécier le choix de l’ambiguïté de quasiment tous personnages : tour à tour adorables, émouvants, irritants, détestables, chacun parcourt le spectre – normal – des comportements humains : amour, égoïsme, jalousie, manipulation, etc. En ce sens, le choix des deux actrices principales est particulièrement judicieux : Kerry Washington a un profil extrêmement agressif qui permet au personnage de Mia d’échapper à un quelconque angélisme de femme noire ostracisée, tandis qu’à l’inverse le charme léger et la verve amusante de Reese Witherspoon allège son rôle de riche WASP arrogante.
Bref, sur des prémisses qui ne sont pas forcément excitantes, Little Fires Everywhere s’avère une véritable réussite, une série qui pose les bonnes questions sur le fonctionnement de la famille autant que de la société, et qui – et c’est notable – ne prétend pas avoir les réponses.
Eric Debarnot