Les principaux personnages de La papeterie Tsubaki se retrouvent dans ce livre pour fonder une famille et l’élargir aux amis et aux cultes des parents disparus. Une ode à l’amour, à la sérénité, un bain d’irénisme dans ces temps trop agités.
Hatoko, Poppo pour ses amis, a repris, comme nous le savons depuis le précédent ouvrage, les activités de la librairie Tsubaki, notamment celle d’écrivain public. Dans ce nouvel opus, elle raconte sa nouvelle vie, elle a épousé Mitsurô le tenancier du café et en même temps le père de QP, Haru, une fillette de sept ans qui a été admise à l’école le jour où les deux amis se sont mariés. Elle veut avec son mari fonder une vraie famille, elle a bien adopté la fillette qui en retour l’aime beaucoup mais la nouvelle famille n’est pas encore réunie, les époux vivent dans les locaux attenant à leur commerce respectif, ne partageant le logis que lors des week-end. Mais Hatoko a une idée, un local commercial proche de sa papeterie pourrait être transformé en café et Mitsurô pourrait partager son logement. La famille est une valeur fondamentale développée dans ce texte au point que l’héroïne n’envisage une nouvelle grossesse que lorsqu’elle sera considérée comme la mère d’Haru et que sa mère physiologique, hélas disparue, fera partie intégrante de la famille. La famille recomposée est possible mais il faut qu’elle intègre tous les membres dans la même affection.
Toute la détermination et toute la tendresse qu’elle consacre à la construction d’une vraie famille japonaise fidèle à la tradition, elle les transcrit aussi dans les courriers qu’elle rédige pour le compte d’autrui. L’activité d’écrivain public est celle qu’elle préfère et celle qui lui apporte les plus belles satisfactions même si, parfois, elle doit faire face à des situations cocasses, compliquées et même plutôt incongrues. La préparation de ces missives lui donne l’occasion de pénétrer au plus profond de l’âme des commanditaires et, ainsi, de mieux comprendre les gens et leur manière de se comporter en couple ou en groupe.
Ce nouvel ouvrage est une autre leçon d’écriture, à travers son écrivain public, Ito Ogawa rappelle combien le choix des mots, la façon de les assembler, le ton de la phrase, la mise en forme du texte et même le choix de l’encre et du papier sont importants pour que le texte ne soit pas seulement un assemblage de mots mais un véritable message transportant aussi des sentiments, des émotions, et même en certaines circonstances de la contrariété mais jamais de la colère ou de la rancune. Ito Ogawa décrit une société où les citoyens se comportent sagement, sans rancœur, seulement avec parfois une bouffée d’amertume ou d’aigreur. Pour elle, le monde est harmonie, chacun doit être à sa place et respecter les autres. Ses personnages vivent aussi en harmonie avec le temps qui passe, sans courir après les honneurs, la fortune et le prestige.
Elle accepte la nouveauté, les innovations, mais dans le sens où il contribue à améliorer la vie. Elle tient surtout à conserver les traditions qui ont fait leurs preuves et qui sont toujours garantes d’une vie stable, sereine et paisible. « Parce que la vie, ce n’est pas une question de longueur, mais de qualité. Il ne s’agit pas de comparer avec le voisin pour savoir si on est heureux ou malheureux, mais d’avoir conscience de son propre bonheur ».
Denis Billamaboz