Reprenant les ingrédients qui ont fait la signature de sa formation d’origine (Housse de Racket), Victor Le Masne se rappelle à notre bon souvenir pour signaler qu’il n’est pas que producteur et arrangeur pour les nouveaux rejetons de la scène francophone. Et l’album est très (trop?) appliqué à le démontrer.
J’ai toujours eu beaucoup de sympathie pour le duo français Housse de Racket, qui se pique / piquait de faire vivre un son “french touch” en duo, depuis 2005 soit à peu près exactement le moment où le genre perdait de sa hype et pas encore assez patiné par le temps pour devenir vintage. Le duo Pierre et Victor initialement musiciens additionnels pour Air et Phoenix, gardaient le sens et les artifices classieux des synthés propre au son français mais abordaient le genre avec un humour un peu potache. Un mélange original qui avait le bonheur de faire dégonfler la baudruche de la référence au son “french touch”, appliqué pourtant à la lettre jusqu’à se faire adouber par feu Philippe Zdar.
Pourquoi démarrer par le passé en duo de Victor le Masne? Alors que j’aurais tout aussi bien pu évoquer son travail d’arrangeur, de producteur et de musicien pour Juliette Armanet, d’autant que l’album de la nordiste a largement dépassé le succès d’estime des trois premiers de Housse de Racket?
Parce que le premier disque solo de Le Masne, sans Pierre Leroux, emprunte beaucoup de la formule électro qui était la composante stylistique des Housse de Racket. On retrouve tous les rouages des groupes versaillais, mûris, et le goût pour la funk des Cassius ou Daft Punk. En solo, Le Masne fait vibrer cette pente dans un album sorti en plein confinement du coronavirus qui lui confère un supplément de mélancolie qu’il ne possède peut-être pas intrinsèquement. Le contexte ajoute une pointe de nostalgie à l’ensemble.
L’album éponyme de Le Masne convoque une époque révolue ou les Français régnaient en maître sur l’électro, avec une efficacité indéniable dans un tempo global de l’album plus porté sur la rêverie que sur le dancefloor. En français chanté, surtout si j’omet le morceau en italien.
Et puisqu’il est devenu producteur, il se fait plaisir. Quand il se pique de titiller le funk doucet, il convoque le DJ rappeur Mayer Hawthorne sur « RU4REAL », quand il ajoute quelques glaçons New Wave pas tout à fait gelés dans « Clair & Bleu » il va chercher Joseph Mount de Metronomy et il prête son piano à Chilly Gonzales, pour « Qui suis-je? » quand il a envie d’un solo signature . Mélancolique il se ballade aussi sur les plages de “Procida” avec Simon Arcan (de Paradis). Pour tutoyer les rêves il va chercher cette voix étrange et haut perchée qui a fait le succès de Juliette Armanet pour un Valhalla taillé pour elle, puis transporte Basile di Manski dans un rétro-futuriste italien fantasmé pour Una Cosa Mentale.
Je me rend compte que je name droppe à mort pour valoriser le disque. J’avoue qu’il m’a posé un problème d’écoute majeur. Cet album est parfait. C’est un rejeton propre et bien foutu du 10 000hz legend de Air, mâtiné de morceaux choisis de l’époque 2020. Je respecte et apprécie toujours cette facilité de composition apparente qu’à Le Masne pour placer des ritournelles électro impeccable. Pourtant, je manque d’enthousiasme à l’encenser. La faute à un spleen diffus qui semble entourer l’ensemble, ou à l’absence de ce que j’adorais dans sa formation initiale: l’absence de prise de tête. J’ai trop souvent l’impression d’une “posture” (et je me trompe sans doute) pour que ce premier album éponyme s’installe durablement dans ma playlist. Trop parfait sans doute.
Denis Verloes