Delépine et Kervern mettent en scène trois personnages en guerre contre les géants d’Internet dans une comédie dramatique qui vise juste sans pour autant être totalement aboutie.
De film en film, le duo Delépine/Kervern ne cesse de mettre en lumière les travers de notre société, de mettre en avant ceux qui en sont exclus ou à la marge, les gens borderline, ceux qui parfois disent « stop » et décident de prendre des chemins de traverse. Dans Effacer l’historique, ils mettent en scène un trio de personnages dont la vie part en couille, la faute en partie, à l’informatique, au numérique, à ce monde de l’internet qu’ils ne comprennent pas, qu’ils ne maîtrisent pas et qui, pour tout dire, les fait chier ! Ici, ce sont les GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon), qui sont évidemment dans le viseur, ces géants du numérique qui ont su se rendre indispensables dans notre vie de de tous les jours.
Comme souvent chez Delépine/Kervern, on suit les personnages au moment où tout bascule. Ici Corinne Masiero, Denis Podalydès et Blanche Gardin, trois voisins d’un lotissement, gilets jaunes ont chacun une bonne raison d’en vouloir au numérique et à cette société 2.0 qui va trop vite pour eux. Ensemble, vont tenter de reprendre la main sur leur vie qui s’est peu à peu dématérialisée en allant attaquer l’ennemi sur son propre terrain.
Et comme d’habitude, le duo y va de son humour l’absurde, de ses blagues potaches, de ses situations cocasses, de sa poésie de bistrot et de son esprit anar. Tout ce qu’on aime… et qu’on aimera plus ou mois dans ce film où se succèdent des sketchs plus ou moins réussis dans un scénario joyeusement foutraque. On oubliera la séquence masturbatoire ou encore celle avec Houellebecq qui tombent un peu à plat, pour apprécier avant tout le jeu duo trio Masiero Podalydès Gardin, cette dernière trouvant ici un premier rôle à la mesure de son talent, capable, comme dans ses spectacles, de se mettre à nu avec beaucoup de finesse, de générosité et de drôlerie.
Comme Ken Loach, mais dans un style différent, le duo Delépine/Kervern mettent le doigt où ça fait mal, mais surtout expliquent de manière presque didactique, en tout cas avec justesse et à-propos, les dérives et autres absurdités d’une société qui évolue vers le tout numérique, et notamment l’emprise qu’exercent les technologies numérique sur notre quotidien à travers quelques exemples bien parlants et qui constituent les moments les plus drôles du film : une usine à clics en Inde pour choper des « like », un captcha où il faut clique sur de feux rouges pour accéder à un site internet… du concret, où chacun y trouvera forcément une part de vécu.
Et +1 pour les chansons du regretté Daniel Johnston dans la BO du film.
Benoit RICHARD