Le guitariste nantais Manuel Adnot a sorti en début d’année 2020 un disque magnifique, Amor Infiniti, à la confluence de plusieurs genres, le Post-Rock, la musique contemporaine et la Pop. Portée par le choeur Macadam Ensemble, Amor Infiniti est un disque immédiatement accessible et volontiers inclassable. Pour comprendre la démarche de l’auteur, il faudra bien deux échanges pour entrer dans le mécanisme de création qui permet une oeuvre qui se refuse à tous les genres pour devenir un être plein et total, un univers entier en somme.
Benzine : Manuel Adnot, avec Amor Infiniti, vous proposez une musique qui est à une forme de croisée des chemins entre musique chorale, contemporaine et Post-Rock. Vous reconnaissez-vous dans cette description ?
Manuel Adnot : C’est toujours un peu compliqué de définir sa musique. Moi, je me reconnais dans votre description, la dimension pragmatique, le jeu sur les effets sur les guitares, les gros delays proviennent finalement beaucoup de tout ce que j’ai fait au Japon ou mes premières collaborations avec Richard Pinhas. Il y a quelque chose provenant de la Noise, je n’ai pas fait de la Noise mais il y a quelque chose qui a un peu nourri le son et de faire cela en écho avec la musique chorale, vous avez utilisé aussi le terme de contemporain. Bien sûr, il y a un lien entre tout cela mais cela n’a jamais été pensé comme cela. Au départ, je suis parti de l’idée de faire une version étendue de ce que je pouvais proposer avec ma guitare en solo sans trop savoir où j’allais. Et puis, il y a eu la rencontre avec Etienne Ferchaud. Je suis un gros fan d’Eric Whiteacre et de Nico Muhly, j’ai beaucoup écouté leurs travaux respectifs. Du coup quand j’ai fait le solo sur Ueno Park, j’avais ensuite envie de me surprendre et de ne pas rentrer dans un systématisme de recherche. Tout en gardant un lien avec ma musique telle qu’elle est. Le lien avec la musique chorale, je l’ai abordé un peu comme j’ai abordé Ueno Park qui était tout en acoustique, avant ce disque, j’étais classé vraiment comme un guitariste électrique voire Metal alors que j’ai finalement peu joué de Metal exception faite du groupe Aeris dans lequel j’ai joué. Cela m’intéressait de faire un rebond par rapport au solo qui était tout acoustique et d’intégrer un solo électrique avec un chœur de voix dans une approche contemporaine. J’ai beaucoup écouté Matthias Pintscher, l’approche classique chez moi est quand même plus moderne et contemporaine. En toute modestie, je me sens assez proche de toute la scène new-yorkaise qui est très liée à la Pop. Nico Mulhy, par exemple, c’est un artiste qui travaille aussi bien avec Sigur Ros que des opéras. Il y a chez lui comme d’autres artistes dont j’aime le travail une volonté à surprendre son auditeur de projet en projet. J’essaie d’être dans la même démarche, je me dis à chaque album que je commence que celui que je suis en train d’écrire c’est celui que je voudrai entendre. En plus, je crois qu’il y a beaucoup de liens entre la musique contemporaine et la musique improvisée, dans les deux scènes, il y a cette idée de l’espace. Quand on travaillait avec Etienne Ferchaud, il m’a beaucoup sensibilisé sur le travail des voix filées qui faisaient un peu écho à la technique du violing que j’utilise avec ma guitare où tu n’entends pas l’attaque du son où il y a beaucoup de delay et de reverb. A la base, ce n’est pas une idée stylistique, il me faut une amorce, une matière. Quand je suis allé écouter les pièces de Marc André qui étaient jouées à la Philharmonie par l’inter contemporain, il y avait cette notion de souffle.
Prenez Pat Metheny quand il parle de son disque Orchestrion (2010), il dit « J’avais besoin de souffle par rapport à l’instrumentarium ». Pour Amor Infiniti, je me suis vraiment concentré sur l’écriture chorale. Le disque a été enregistré l’été dernier, on a commencé par le chœur qui a enregistré ses parties, je n’avais vraiment pas écrit les parties de guitare avant d’arriver en studio. Etienne Ferchaud était très motivé au début pour improviser les parties de chœur du Macadam Ensemble. Moi, je voulais dès le départ quelque chose de très écrit. La musique, je la joue toujours de manière improvisée dans tous mes projets, même s’il y a de l’écriture, c’est ancré en moi, c’est comme cela que je joue. Il a fallu que je trouve pour Amor Infiniti un lien entre des choses qui relèvent de l’improvisation et des structures plus écrites comme des réservoirs de notes ou encore des systèmes de cadences où les voix vibrent d’un accord à l’autre. En trouvant ces systèmes-là, je permettais au chœur d’avoir du jeu, c’était cohérent. Ce n’était pas simplement un chœur sur lequel je venais plaquer artificiellement quelques accords de guitare, un univers dans lequel je vous pouvais me poser et penser dessus. Un autre élément qui est important aussi, j’ai été pas mal connecté à la musique japonaise, j’ai beaucoup appris avec certains de ces musiciens, je me suis rendu compte que les musiciens avec lesquels je jouais, Tetuzi Akiyama par exemple avaient une interrogation commune avec moi. En effet, depuis que je fais de la musique, je m’interroge beaucoup sur le rapport entre l’écriture et l’improvisation. Tetuzi, lui, utilise des phrases qu’il a en tête, toute sa musique est dans sa tête. J’ai voulu vraiment partir de cette écriture pragmatique pour un chœur qui n’a jamais travaillé de cette manière avec l’identité que j’ai. Je voulais rester dans un rapport à la Pop, je n’aime pas que les choses soient des curiosités ou une performance. La musique contemporaine, j’en ai écouté et j’en ai étudié et plus spécifiquement de la musique vocale.
Benzine : Désir d’infini, amour Infini, voilà comment on pourrait traduire Amor Infiniti. Quel sens donnez-vous à cette allégation ?
Manuel Adnot : Ce qui est sûr, c’est que la musique chorale ou vocale m’a toujours transmis des sentiments très forts, très profonds depuis toujours. J’avais mis cette musique de côté comme un truc un peu de l’enfance auquel on ne touche pas et qui n’est pas si important. Quand j’ai commencé le travail sur Amor Infiniti, j’avais déjà à la base cette idée d’absolu, quelque chose d’un peu grandiose. Je ne suis pour autant pas quelqu’un de mystique. Par contre, j’ai une idée d’absolu, notamment dans le rapport au silence. Plus j’avançais dans mon travail, plus je me dirigeais vers le silence. Au début, j’avais écrit des pièces qui se caractérisaient par leurs masses sonores, des parties que je n’ai pas conservées où il y avait une notion de magma et qui partaient plus vers le Free. Ce qui est sûr, c’est qu’il y avait quelque chose qui relevait de l’absolu, un rapport à l’infini. Je me suis inspiré de ce livre de Trinh Xuan Thuan, Désir d’infini: Des chiffres, des univers et des hommes (2013), un livre qui m’a beaucoup marqué et qui parle de l’amour de l’infini.
Je suis musicien mais je porte une grande attention aux mots et aux titres, je me rappelle d’un disque de Marc Copeland et Gary Peacock, l’album What It Says (2004) et plus précisément ce titre Vignette avec cette démarche assumée de leur part dont je me sens assez proche, en gros le mot est posé là, tu mets de la musique par-dessus et les gens se l’approprient en en faisant une interprétation qui n’appartient qu’à eux. Ce que j’aime dans ce titre Amor Infiniti, c’est la pluralité des interprétations qu’il propose, l’amour de l’infini mais aussi l’amour infini car je crois que ma musique n’est pas obscure, je vais employer des mots un peu forts mais à travers ce rapport à la pop, je crois qu’il y a quelque chose qui se raccroche à de l’espoir, c’est une musique dans laquelle on peut se lover et que l’on peut partager. Ce n’est pas une musique de niche. Et puis ce rapport à l’amour, il est un peu là-dedans. Il y a des disques à certains moments de mon existence qui m’ont sauvé la vie d’une manière ou d’une autre, c’est un peu des discours de musiciens que l’on entend souvent. Ma musique est bien plus liée au corporel, au sensuel et à l’émotif bien plus qu’à la science et la raison, surtout avec l’utilisation des voix. Par exemple, dans le chœur, il y a une soprano qui s’appelle Hèlène Richert qui a un timbre qui est très très clair et très lumineux, une voix qui envoie des images de lumière avec peut-être un lien avec le mystique. Je n’ai jamais essayé de raccorder la musique à quoique ce soit, j’essaie de faire de la musique un endroit à part, je dirai « safe », que ma musique ne soit ni sociale ni politique ni affiliée. Le mystique, s’il y en a un, il existe tout seul et sans moi, je n’ai aucun lien avec la moindre idée de mysticisme
Benzine : Vous parliez d’un rapport au corps sur Amor Infiniti, j’ai l’impression que c’est un peu une constante dans votre travail. En effet, sur Uneo Park, vous partiez d’un rapport au corps et à l’instrument, comment expliqueriez-vous cette chose-là ?
Manuel Adnot : Ces questions-là ont commencé à se poser surtout à un moment où je jouais beaucoup avec Sidony Box et où je faisais de grosses scènes. Je n’ai jamais eu trop d’argent pour m’acheter du matériel, avec Sidony Box, on n’avait jamais le même ampli, on avait toujours du son qui partait de partout avec un technicien en face. Quand vous êtes musicien et que vous pensez un peu les choses, vous passez des années à travailler le son, à avoir une pensée du son et de l’espace. J’utilise toujours énormément de reverb qui est un son en soi pour moi et qui exprime chez moi une envie d’espace, je l’ai imaginé artificiellement avec la reverb et le delay avec la matière électrique et à un moment, j’ai eu le sentiment d’être arrivé au bout d’un truc et d’être dans une perte de contrôle, vous vous retrouvez avec des retours partout. En plus à la base, je suis avant tout un guitariste acoustique, je ne suis pas un guitariste classique. J’ai commencé à jouer de l’électrique en 2009 ou 2010 et je fais de la guitare depuis que j’ai huit ans. Cette approche de l’électrique est venue un peu sur le tard, j’avais besoin de retrouver un lien direct avec mon instrument, pas de médiator. C’est le contrebassiste Cyril Moisseau qui m’a suggéré après une collaboration de sortir un disque acoustique. Quand je l’entendais jouer à l’archet, il n’y avait rien, il était juste à côté, il y avait quelque chose de super puissant qui sortait de cela. Ce rapport à l’acoustique, je l’avais délaissé, je dirai même que je n’y pensais plus et qu’il n’existait plus pour moi. Le retour au corps, je le vois comme un retour à la terre, à la nature et au sol, de jouer assis, d’avoir un autre rapport à l’instrument. Je l’ai fait de manière extrême tout de suite, j’ai travaillé dans la tour du Lieu Unique, c’est Frederic Sourice le programmateur du Lieu Unique qui m’avait permis de faire ça à l’époque.
Pendant six mois, je me suis isolé tout seul juste avec la guitare toutes les semaines dans cette tour, je jouais sans arrêt jusqu’à avoir un son acoustique qui est vraiment du poids. J’étais dans un état de concentration que je rapprocherai presque de la méditation. Pendant environ un an, je m’enfermais à certains endroits, je jouais tout de suite et j’enregistrais tout avec toujours dans l’idée de jouer avec la pièce. Le rapport au corps est pour moi directement lié à l’espace. Je me suis rendu compte que mon expérience de l’électrique a nourri ce nouveau rapport à l’acoustique, j’ai intégré ma culture du sample à mon approche de l’acoustique dans la guitare. J’ai aussi travaillé avec un luthier qui s’appelle Cyril Guérin, ma guitare Nylon c’est lui qui l’a créé. C’est une guitare qui a beaucoup de corps, le fait de ne plus avoir d’instrument du commerce, une vraie lutherie. Je me suis aussi beaucoup nourri de toutes les lectures que je faisais à côté. Faire un solo de manière totale (sans rien), c’est hyper formateur. On ne peut pas être dans la posture et encore moins tricher. Je suis devenu un bien meilleur musicien avec cette expérience, c’est une étape de retour sur soi. Pour revenir au mysticisme, je m’intéressais à l’époque beaucoup à la méditation et lors de ces sessions, j’ai tenté plusieurs exercices de méditation ou si vous préférez d’extrême concentration que j’ai un peu reproduit sur Amor Infiniti. Le rapport au silence en particulier. C’est moi qui a monté les voix sur Pro Tools, je me suis isolé pendant longtemps pour avoir un rapport extrême au silence avec la même concentration qui demande énormément d’énergie.
Benzine : Amor Infiniti n’aborde pas le rapport à la musique contemporaine sous un angle avant-gardiste ou hermétique, au contraire, on y sent des voies d’entrées possibles, la Pop en particulier. Qu’en pensez-vous ?
Manuel Adnot : Je me rappelle d’un échange avec un compositeur de musique contemporaine qui me parlait de ce rapport entre la Pop et la musique dite savante, des distinctions qui me font un peu bondir. Il disait que la musique savante s’inscrit dans le temps alors que la Pop est plus une expression de l’instant. Je crois qu’il faut faire attention à tout cela, à savoir d’identifier la musique Pop comme un produit consommable facile. Je crois bien que c’est ma formation au Jazz qui m’a sensibilisé à cela car le Jazz n’est qu’une question d’échanges, des mixes qui vont à l’envers d’autres choses et d’autres choses. Quand j’aime quelque chose, je ne cherche pas à la disséquer genre « il n’y a que trois accords ».
Pour moi, la Pop c’est un vrai truc et ce n’est pas simple à jouer et à incarner. Je n’ai aucun complexe à reconnaître mon goût pour la Pop. Avec Sidony Box, par exemple, on a beaucoup d’interrogations sur notre rapport à la Pop et au Free. Je crois que la réponse est à trouver chez Jim O’Rourke et son disque Eureka (1999) où il joue un beau Post Folk, une chanson sublime en somme accompagné d’un orchestre Free, il se dégage de cela quelque chose d’extrêmement fort et d’absolument magnifique mais aussi très dur et très intense, c’est un peu mon idéal Pop, jouer quelque chose de très Pop mais de manière très libre et ouverte. En France, il y a une séparation des styles, ce qui est bien dommage. Le batteur Will Guthrie me disait que c’était très différent en Australie, tu peux jouer dans un groupe de Pop, les mêmes peuvent jouer ensuite dans un Big Band. Je pense que les choses se détendent enfin un peu en France mais il faut que les choses s’élargissent une bonne fois pour toutes. J’ai la chance de vivre à Nantes où il y a beaucoup de ponts entre les arts. Du temps de Sidony Box, les choses étaient plus compliquées comme on était aussi bien dans la Pop que dans le Free, les tourneurs nous disaient que nous n’étions pas vraiment identifiables. On pouvait plus facilement jouer à l’étranger avec Sidony Box. Pour Amor Infiniti, cela a été un enjeu important, comment l’identifier ? Musique contemporaine ? Indé ? C’est plus dur à gérer qu’un groupe de Jazz par exemple qui sera perçu comme un groupe de Jazz et point barre ! Il est identifié et il y a un réseau qui existe pour ça et qui est établi.
Benzine : Amor Infiniti ne s’interdit pas des choix radicaux comme cette large place laissée au silence dans Souveraineté du Vide, un silence qui devient en soi un acteur et pas seulement un faire-valoir pour l’ensemble harmonique. Cela m’évoque d’ailleurs cette citation de Miles Davis.
La véritable musique est le silence et toutes les notes ne font qu’encadrer ce silence
Quel rôle à le silence dans votre musique Manuel ?
Manuel Adnot : Bien sûr, je suis d’accord avec ce que dit Miles Davis (Rires), Arvo Pärt dit sensiblement la même chose. Le silence pour moi c’est d’abord un rapport à l’absolu et l’infini, quelque chose qui a à voir avec le vertige, quelque chose qui m’a amené à des extrêmes dans l’écriture. Ce n’est pas arrivé tout de suite, à un moment, je me suis dit que c’était cette direction que j’allais prendre. Il y a peut-être un peu cette pensée d’un peu de rien au milieu de tout. Quand j’ai travaillé sur ces silences, que je les ai faits, j’étais vraiment isolé à la campagne, il y avait toujours un rapport d’espace, à l’air.
En fait, les silences qu’il y a sur le disque, ce sont des sons de pièces, ce ne sont pas des silences numériques, je les voulais comme des sons du vide. Bien sûr, il y a toujours une idée de relief. J’aime les mouvements circulaires dans la musique, un peu comme ce que fait A Winged Victory For The Sullen, quelque chose qui a du poids. Ce que j’aime particulièrement dans Souveraineté Du Vide, ce n’est pas qu’il y a un tout ou un rien mais plutôt que l’écriture des voix circule de manière assez douce et s’étale, c’est plus mouvant et plus doux. Tout est un peu parti du titre aussi bien sûr. Je ne peux pas dire que j’ai écrit cette pièce en me basant sur le silence, j’ai plus articulé les choses pendant l’enregistrement. C’est plus basé sur ces cadences et ces micro-variations dans le chant du chœur. Il y a surtout un rapport à comment nous, nous circulons aujourd’hui à travers les médias sociaux et dans notre société, je fais avec Amor Infiniti une proposition modeste d’adopter un autre rythme, s’éloigner du tout tout de suite et du très vite, de l’éphémère et de l’oubliable. J’ai l’impression que ce disque touche les gens car cela va à l’envers de cela. Moi j’ai besoin de cela, ne serait-ce que lire un livre, j’ai l’impression que c’est devenu un acte militant. J’aime avoir une pensée du temps.
Quand on est dans Amor Infiniti et en particulier ce titre Souveraineté du Vide, on est obligé de s’immerger, d’être dedans. On ne peut pas l’écouter rapidement, c’est quelque chose qui peut exister tout seul mais qui réclame un effort de l’auditeur pour ressentir quelque chose et vivre dedans. Franchement, je suis très content car je crois bien que cette idée a été bien compris et reste lisible par ceux qui ont écouté Amor Infiniti, ce rapport au temps. Chaque silence sur ce titre a une longueur différente de l’un à l’autre, les prises de voix, j’ai dû les écouter mille fois. Au bout d’un moment, elles étaient vraiment en moi, les silences ont articulé une narration. Les silences, chez moi, ne sont pas une négation de quelque chose mais au contraire, ils racontent vraiment quelque chose. Il y a par exemple un silence de quasiment une minute, c’est le plus long du disque mais il est partie prenante de la narration et de la dramaturgie. Il y a très peu d’artifices, les différentes cadences écrites sont vraiment tonales, cela ne module pas. Longtemps, je n’ai pas su comment le ressentir quand je l’écoutais et comment cela allait être perçu et finalement à la fin c’était mon morceau préféré du disque. C’est paradoxalement peut-être le plus « catchy » à l’envers, c’est celui où je suis allé le plus loin dans ce principe-là, c’est un titre que j’ai écrit très vite. C’est basé sur une suite d’accords que j’avais composé plutôt pour la masse dont je parlais plus tôt, à un moment j’ai eu une vraie deadline pour rendre les partitions, je l’ai écrit très vite en une demie journée comme si tous les travaux que j’avais faits avant (j’ai énormément jeté) avaient permis cette vraie fraîcheur et j’avais tout emmagasiné en moi.
Benzine : Je me rappelle d’un échange avec Benoit Burello de Bed qui me parlait de l’importance de l’espace dans la musique, tant dans le jeu d’un groupe que dans la manière d’enregistrer la musique. Il y a également chez vous un évident rapport à l’espace n’est-ce pas ?
Manuel Adnot : Je me suis rendu compte par rapport à la musique et notamment la musique enregistrée, j’ai insisté pour que l’on puisse enregistrer le disque à la Chapelle de l’Immaculée, le disque aurait sonné totalement si on l’avait enregistré en studio. Des musiciens comme Will Guthrie ont compris cela, la musique se fait par ce que l’espace dans lequel tu es t’apporte. Il faut exploiter l’espace comme de la musique, comme le silence, la pièce. La majorité des musiciens préfère l’enregistrement en studio qui permet d’isoler le son, j’ai toujours un peu fui cette démarche, gérer l’espace est aussi important que la composition, comment va-t-on faire sonner tel instrument, telle voix ?