Un album d’électro-pop envoûtant et hypnotique par le duo français Ultra Romances. Une première parfaitement réussie. Vivement la suite !
Dans l’histoire
1980 : Midge Ure (qui a aussi collaboré avec UltraVox) compose avec d’autres Fade to Grey. Ce sera le seul hit de Visage — un groupe assez éphémère, dans lesquels on trouvait en particulier les trois ex-Magazine, Barry Adamson, David Formula et John McGeoch mais aussi Billy Currie (UltraVox). Mais quel hit. LE morceau de musique qui a donné à la new wave ses lettres de noblesse. Un des meilleurs morceaux de la période. Un des meilleurs morceaux de musique de tous les temps. 2020 : 40 ans après, donc, Agathe Genieys et Hugo Hubert (qui forment le duo électro-pop Ultra Romances) sortent Été Vertigo et Vert Piscine — deux titres qui figurent sur leur premier album aussi nommé Été Vertigo. Et voilà la magie Fade to Grey qui opère de nouveau. Dès les premières notes, on s’en doute, on le pressent, on n’ose y croire. Et quand la voix d’Agathe Genieys arrive, on le sait. C’est là. C’est le bonheur. Bliss. Bliss. Bliss.
Un parallèle réducteur
Le parallèle était tentant, d’autant qu’il est revendiqué par les intéressés. Agathe admet adorer le morceau de Visage — “C’est sûrement une des meilleures chansons des 80’s selon moi, cette ambiance très new wave qui commence un peu comme un polar…Les synthétiseurs, la sonorité très mélancolique, les mêmes paroles successivement chantées en anglais puis en français, ça m’emporte totalement ! J’aurais aimé être ado à cette époque rien que pour vivre la sortie ce tube !” Le parallèle était tentant et utile puisqu’il permet d’enraciner Ultra Romances — en tout cas cet album — dans une certaine histoire de la musique — Agathe avoue des influences “très new wave, années 80, electro pop et chanson française” qui influence Kim Wilde et Jimmy Sommerville, mais Elli et Jacno ou, plus récent, les excellents Kompromat.
Mais, pour tentant et utile qu’il soit, le parallèle est réducteur. Ultra Romances n’est pas Visage, et Été Vertigo (l’album ou le morceau) ou Vert Piscine ne sont pas les Fade to Grey du 21e siècle — même si on ne peut que souhaiter au duo français qu’ils le deviennent. Le parallèle est réducteur et a ses limites. En particulier parce que la période est différente. Les années 1980 sont le début de quelque chose. Été Vertigo a été composé et sort au moment où le monde est en train de s’écrouler, où la civilisation occidentale s’essouffle. Et pourtant, c’est un album qui nous dit who cares? Et en l’écoutant on se dit who cares ! On aura au moins entendu de la bonne, de la très bonne musique. On aura entendu un album tiède – chaud, parfois –, humide ou plutôt aquatique. Cotonno-comateux, vaporeux. Généreux. Un album bon — et je ne parle pas que de qualité. Ultra Romances est un groupe bon. Merci !
Victimes consentantes
A l’exception de Rain, le seul instrumental de l’album — guitares électriques bercées par le ressac de la mer, comme si Santana avait composé une chanson sous Xanax —, toutes les pistes combinent avec élégance la musique – en partie composée par Hugo et par Agathe – et les mots d’Agathe — son seul domaine, elle qui adore la poésie et en publie par ailleurs. Avec élégance, mais pas sans tension. La musique – mélancolique et douce, elle peut aussi sautiller de manière plus rythmée, à donner quelques fourmis dans les jambes — est toujours rattrapée par la voix grave d’Agathe qui vous ramène sur terre. Pendant qu’Hugo tricote ses harmonies à base de guitares ou de synthé qui vous rentre dans la tête, Agathe vous parle. Elle ne chante pas, et c’est la beauté de la chose. Elle vous raconte des petites histoires merveilleuses, en couleur ou en gris. Elle vous murmure à l’oreille – juste à vous, oui – des doux mots d’amour, des mots de chair et de sueur, des mots pleins de l’émotion d’un moment – au bord d’une piscine, assis sur une plage, dans les rues de Londres … Mais le ton est égal, semble détaché et sans émotion. Agathe semble froide et, pourtant, on la devine en train de sourire devant son micro. Le mélange musique et paroles est hypnotique, envoûtant. On sait qu’on est en train de se faire avoir. Mais on en redemande. Victime consentante. On s’imagine allongé au bord d’une piscine au milieu d’un parc de 10.000 hectares, sur une immense plage de Normandie en automne. Seul. Avec Été Vertigo dans les oreilles qui tourne en boucle. Bliss. Bliss. Bliss.
Alain Marciano