Pete, bientôt 70 ans, court toujours et raconte à ses amis la vie de son pote le grand champion, Steve Prefontaine, et l’exploit qu’il a accompli en courant avec son équipe le Hood to coast relay, le plus grand relais du monde, du sommet de l’Oregon au bord de mer.
Cette lecture m’a rappelé ma première participation à des forums littéraires sur la Toile, je me souviens particulièrement de ce site Internet, désormais historique, sur lequel j’ai rencontré Daniel Charneux et des forums qu’il partageait avec quelques autres marathoniens pour évoquer leurs courses, leurs préparations, leurs entraînements, leurs plus ou moins gros bobos et aussi, bien évidemment, leurs lectures. Je les lisais mais, étant un médiocre coureur à pieds, je me tenais à l’écart de leurs discussions préférant regarder le sport à la télévision. J’ai ainsi gardé le souvenir de beaucoup de coureurs, de courses, d’événements que Daniel raconte dans ce livre dans lequel j’ai plongé avec une certaine délectation, oubliant l’époque où j’avais l’impression que les lecteurs passionnés étaient tous des coureurs de fond et que, moi le sportif de télévision dans son fauteuil, j’étais un intrus dans le groupe.
Le sport est ma passion, j’ai été un médiocre participant mais un dirigeant avisé et très investi, je connais presque tous les sportifs que cite Daniel Charneux mais Prefontaine, Pre pour ses amis, m’a échappé, je ne me souviens pas de lui, même si je me souviens de Bob Schul celui qui a battu Michel Jazy aux Jeux Olympiques de Tokyo où il a été terminé quatrième tout comme Prefontaine à Munich. Pour moi les Jeux Olympiques de Munich resteront à tout jamais ceux de l’horreur, ceux de l’abominable attentat qui a décimé la délégation israélienne. Pour la première fois, on attaquait mortellement des sportifs s’affrontant pendant ce qui était dans l’Antiquité une parenthèse de paix entre les peuples. Merci Daniel de m’avoir rappelé cette période que ma mémoire a un peu occultée.
Dans ce texte, Daniel Charneux a confié sa plume à Pete, un ami d’enfance de Pre, un gars qui à l’approche des soixante-dix ans court toujours, pour qu’il raconte ses souvenirs. Dans sa chronique Il évoque bien évidemment son enfance dans l’Oregon avec ce champion atypique bourré de talent, doté de capacités exceptionnelles, capable à l’entraînement de multiplier les efforts le plus épuisants mais un peu désinvolte et très soucieux de toujours déployer le maximum de panache, refusant les victoires de « comptables, ceux qui profitent des efforts des autres pour triompher. Dans cette chronique, il raconte encore les courses qu’il effectue régulièrement avec ses amis du club de la petite ville de l’Oregon où il réside toujours et où est né Pre. Il décrit le plaisir de courir, la joie de raconter à ses amis du club des anecdotes sur la vie et les performances incroyables de son ami, son côté désinvolte, sa carrière inachevée. Et, il écrit « Comme chaque semaine ou presque, nous avons revécu le relais », le fameux relais, leur grand souvenir, leur épopée mythologique, leur participation l’un de plus grands relais du monde le Hood to Coast Relay, environ trois-cent-vingt kilomètres km de course pour une équipe de douze relayeurs. Leur Graal, l’événement qui les a soudés à jamais par-dessus les générations, la différence entre femmes et hommes, leurs différences sociales et professionnelles autour de leur seul point commun : courir jusqu’au bout !
Pete c’est un peu l’auteur comme lui il court, il a un peu près le même âge, il est peut-être un peu plus seul, je ne connais pas suffisamment Daniel pour parler de sa vie privée pour savoir si elle pourrait ressembler à celle de Pete. Mais, Pete parle du monde qui va mal comme Daniel pourrait en parler sans ménager le Président des Etats-Unis, en dénonçant les règles absconses et les comportements irrespectueux de la nature, en élevant l’amitié au rang de vertu…
Cette évocation de la course à pieds dans la nature évoque pour moi la lecture très récente de Monsieur Minus, le dernier roman de Laurent Graff, qui narre comment un richissime héritier fuit sa fortune en parcourant les sentiers de grande randonnée. « (…) Il sentait sous ses pieds les reliefs du sol, les cailloux, les mottes, les brindilles, les coques, qui agissaient sur la plante de ses pieds comme des aiguilles d’acupuncture, qui semblaient activer des réseaux de sensations parcourant son corps… ». J’ai trouvé dans ces deux textes le même plaisir de parcourir la nature et aussi un style et une écriture qu’on croirait appris à la même école. J’aimerais à croire que ses deux auteurs courent un footing ensemble ou partage un bout de sentiers de conserve en parlant de littérature. Et, si je n’avais pas seulement rêvé !
Denis Billamboz