Drôle de choix que de rajeunir le célèbre inspecteur Wallander sans soucier de crédibilité temporelle, géographique ou linguistique, mais le Jeune Wallander est conforme à son programme de polar à la fois classique et bien ancré dans notre époque. Pas si mal !
Difficile de parler de ce Jeune Wallander, série britannique censée se passer en Suède (à Malmö) et racontant les débuts dans la police du jeune Kurt Wallander sans évoquer immédiatement le GROS problème de la série : tout le monde parle anglais ici ! Il nous semblait quand même que ce genre de pratique ridicule était réservée aux grosses machines hollywoodiennes, qui se moquent littéralement de la réalité pour vendre au monde entier leurs histoires anonymes. On avait pensé aussi que Netflix présentait ce bel avantage de nous vendre de la série et du film « local », produit localement avec des acteurs locaux en langue locale. Eh bien, non, voilà la faute de goût, qui rend immédiatement le « produit Young Wallander » périssable, artificiel et bourré d’OGM comme n’importe quel paquet de céréales made in USA.
Si l’on décide quand même de passer outre, parce qu’on aime vraiment le personnage de Kurt Wallander, le héros réfrigérant et ultra-rationnel de la série de l’écrivain suédois Henning Mankell, et qu’on est curieux de voir ce que la série peut raconter de sa… jeunesse (qui curieusement, se passe de nos jours…), on découvre une série TV qui transcende ses origines discutables. Filmée à Vilnius en Lithuanie (!), peuplée d’acteurs anglais à l’accent oxfordien impeccable (on y revient), le Jeune Wallander tient quand même la route grâce à son charismatique jeune acteur suédois (lui !), Adam Pålsson, et surtout grâce à un scénario solide.
Car les scénaristes ont su conjuguer ici et la tradition du polar classique des années 40 (on commence par une petite affaire locale, impliquant plus ou moins personnellement l’enquêteur, et on finit après un trajet complexe aux multiples rebondissements dans les hautes sphères du pouvoir – ici économique – où règne corruption et luttes d’influences) et une vraie modernité de ses sujets : c’est ici les tensions sociales autour des migrants, et le jeu dangereux de la manipulation des extrémistes racistes qui fournit le grand sujet de la série, et lui confère une pertinence inespérée.
On aurait certes pu se passer du volant sentimental de l’affaire, ainsi que certains clichés un peu trop gentillets sur les trafiquants dans les cités, mais on appréciera énormément l’ambiance feutrée et tendue de l’ensemble des épisodes, la conclusion de la saison, très noire, et très réaliste, avec un beau personnage de psychopathe bien campé par Jacob Collins-Levy. On est bien conscients que les fans du célèbre détective trouveront sans doute à de nombreuses choses à redire à cette version juvénile de leur héros, il nous faut pourtant admettre avoir passé un bon moment devant cette série, certes sans grande surprise, mais bien construite.
Eric Debarnot