Après le choc retentissant de l’annonce du décès de Chadwick Boseman, le 28 août dernier, coup de projecteur sur le sombre Message from the King. Une œuvre percutante qui met déjà en lumière toute l’intensité de l’acteur avant son couronnement avec Black Panther.
Cet efficace revenge movie old school suit le destin de Jacob King, contraint à quitter l’Afrique du Sud pour débarquer à Los Angeles afin de retrouver sa sœur, dont il n’a plus de nouvelles depuis un message vocal inquiétant laissé sur le répondeur de son frère. Fabrice du Welz reconnu pour son style radical depuis le puissant Calvaire (2005) et la confirmation avec l’excellent thriller horrifique Alléluia en 2014, tente cette fois-ci l’aventure américaine avec ce film de commande, dont le scénario a circulé entre plusieurs mains notamment du côté de Michael Mann.
Finalement le réalisateur belge hérite de ce projet et décide de s’emparer du scripte en rendant un hommage à son goût pour les néo-polars américains des années 70. Le choix de la mise en scène réaliste stylisée en pellicule 35mm confirme l’influence de films comme La Loi du milieu (1971) de Mike Hodges, Hardcore (1979) de Paul Schrader, ou la référence plus ancienne Le point de non-retour (1967) de John Boorman et apporte ce grain particulier à l’image. Le metteur en scène s’appuie sur ce format argentique pour créer une ambiance contrastée entre ombres et lumières par le biais de sa directrice de la photographie Monika Lenczewska utilisant au mieux les nuances de lumières dans les contrastes à contre-jour qu’apportent la pellicule par rapport au numérique.
La narration classique reprend les codes du genre récit de vengeance dans cette intrigue à l’allure de western urbain, avec son héros solitaire dont on ne sait rien, débarquant dans un territoire qui n’est pas le sien avec une façon d’agir différente du lieu qu’il investit avec un but précis. Un personnage mystérieux et viscéral, tout droit sorti de la Trilogie des dollars de Sergio Leone, découvrant petit à petit les bas-fonds (drogue, mafia, sexe, misère) de Los Angeles et le sombre passé de sa sœur auquel il va devoir physiquement se confronter à mesure que progresse son enquête personnelle. Sous la caméra du réalisateur, la cité des anges poisseuse devient un personnage à part entière reflétant judicieusement les tourments de Jacob King. Du noir filmé la plupart du temps, sous la pleine lumière du jour. Le metteur en scène parsème son récit de scènes d’actions brutales où la violence explose subitement par la rage viscérale de King dans un scénario, assez convenu et parfois un peu trop schématique vis-à-vis des méchants assez stéréotypés.
Ces séquences, avec en toile de fond le climat social et le racisme sous-jacent s’avèrent malheureusement dans leur montage saccadées, parfois pas assez lisibles mais jouissives dans l’utilisation de différents objets et la rage avec laquelle le King fait passer le message à coups de pieds, chaîne de vélo ou poings bien sentis. Pour contrebalancer la violence du sujet l’intrigue offre aussi des moments moins habiles, notamment en incluant une relation tendre entre le vengeur et une voisine dans le besoin. Le film s’irrigue par des flashbacks dans l’enfance intime du héros où dans une séquence de visions surréalistes rappelant ainsi au mieux la singularité habituelle du cinéaste. Une vengeance en forme de rédemption ? Ce schéma classique rebattu de trop nombreuses fois trouve sa personnalité dans le magnétisme sensuel et viril de Chadwick Boseman. Ce choix s’avère absolument pertinent. Il met en abyme le rapport du spectateur en train d’observer cette acteur depuis quelques films (Get on up, Captain america : Civil war) avec le personnage du film que l’on découvre au cours du long métrage, et renvoie aussi à la situation du metteur en scène débarquant dans une ville qu’il ne connaissait pas du tout comme Jacob King en provenance de Cape Town. Une découverte qui remporte l’adhésion tant l’acteur fait corps avec son rôle, mêle violence, culpabilité et chagrin dans une alchimie organique qui relève de l’excellence avant son avènement planétaire en super-héros chez Marvel dans le retentissant Black Panther.
Cette série B réaliste, malgré ses faiblesses, garde tout de même une belle efficacité et s’avère plutôt plaisante à suivre par sa mise en scène stylée à l’ancienne et son récit sans chemins de traverses. Les amateurs du genre y trouveront leur compte. Venez (re)découvrir cette quête en forme de descente aux enfers à travers Message from the King. Intime. Organique. Haletant. Une œuvre qui nous nous fait regretter inexorablement l’envol prématuré auprès des anges, de cet acteur si charismatique.
Sébastien Boully
Message from the king
Film Britannique, Français et Belge réalisé par Fabrice du Welz
Avec Chadwick Boseman, Luke Evans, Teresa Palmer…
Genre : Thriller
Durée : 1h42m
Date de sortie : 10 mai 2017
À voir en VOD sur : Univers Ciné, Canal VOD, FILMO TV, MYTF1 VOD, Orange VOD
À voir en SVOD ou streaming sur : Amazon Prime Video