Sept protest songs extraites des Fireside Sessions de Neil Young enregistrées pendant le confinement voient le jour sur un EP violemment engagé contre Trump et sa politique.
« Yeah we had Barack Obama / And we really need him now / … / America has a leader / Buildin’ walls around our house / Who don’t know black lives matter / And we got to vote him out of his own shadow / … / He’s hiding in his bunker / Something else to lie about. » (« Oui, nous avons eu Barack Obama / Et nous avons vraiment besoin de lui maintenant / … / L’Amérique a un chef / Qui construire des murs autour de notre maison / Qui ne sait pas que la vie des Noirs compte / Et nous devons voter pour l’expulser de sa propre ombre / … / Il se cache dans son bunker / Encore un autre sujet de mensonge… »
La nouvelle version, actualisée – de Lookin for a Leader – une chanson originellement dirigée contre l’administration Bush en 2006 – que vient de publier « officiellement » Neil Young, est dirigée frontalement contre Trump, contre lequel le Loner a également engagé une poursuite judiciaire pour l’utilisation non autorisée de son morceau emblématique, Rocking in the Free World. La déclaration accompagnant la plainte de Neil affirme en effet que « en toute, conscience, [il] ne peut pas permettre que sa musique soit utilisée comme une « thème » pour une campagne de division, et anti-américaine d’ignorance et de haine. »
Il est donc clair que le EP (de presque 30 minutes, quand même…) The Times, collection inattendue des rares protest songs écrites par Neil Young en plus de 50 ans de carrière, n’avait pas forcément de raison d’exister, mais que Neil en a décidé autrement vu l’approche des élections et l’aggravation des politiques extrémistes du clown sinistre de la Maison Blanche. Cette pure motivation politique est encore plus évidente quand on l’écoute : enregistrées pendant le confinement en version Lo Fi / primitive sur son porche – qu’il frappe rythmiquement de son talon de botte – avec sa seule guitare acoustique, ces chansons sont probablement – si l’on s’en tient à la performance technique – les pires versions qu’on n’ait jamais entendues de merveilles comme Alabama, Ohio, ou Southern Man. La voix est celle d’un homme finalement rattrapé par l’âge, qui n’arrive plus à chanter ces chansons désormais trop hautes, trop complexes.
Pourtant The Times fascine, émerveille presque par instants, parce que derrière le désespoir de voir l’histoire revenir en arrière et le probable abattement provoqué par la pandémie nous privant de musique, on sent, on vit la nécessité du combat. Et que tout homme qui se dresse ainsi contre l’oppression et l’infamie, jusqu’au bout, fut-il désormais seulement l’ombre du géant qu’il a été, mérite toute notre attention, tout notre amour.
S’il y a quand même deux titres importants, au milieu de ces 7 chansons très brutes, ce sont la douloureuse version de Campaigner – avec sa fameuse phrase « Even Richard Nixon Got Soul » (« Même Richard Nixon a une âme…« ) qui prend une signification bien différente et bien plus terrible (on comprend que Nixon était un enfant de chœur par rapport à Trump…) – et, logiquement, Looking for A Leader 2020 parce que, on l’a dit, Neil ne mâche pas ses mots. Et qu’arrive un moment où il faut oublier les fioritures de l’Art et de la Poésie, et parler simple, juste et fort. Dans ce contexte militant, la reprise du classique de Bob Dylan, the Times they are Changin, est, elle, moins une déclaration de guerre au monde que la constatation nostalgique du violent retour en arrière que nous vivons.
Et la porte qui grince et se referme, alors qu’une voix aimante soupire « Don’t Go », au milieu d’un Little Wing littéralement épuisé, nous fait froid dans le dos. Tant il nous est impossible d’imaginer un monde aussi malade, aussi cruel, aussi effrayant que le nôtre sans Neil Young.
Eric Debarnot