Réputé pour composer des albums à la somptueuse mélancolie, Sophia (Robin Proper-Sheppard) re-branche les guitares électriques et met presque les doigts dans la prise avec son nouvel album Holding On / Letting Go.
Leader de Sophia depuis plus de vingt ans, Robin Proper-Sheppard remet le couvert. Avec dix albums derrière lui, et une propension à préférer l’introspection au festif, l’ex-chanteur de The God Machine (1990-1994) a choisi d’électrifier ses nouvelles compositions. Il s’est entouré de solides compères sans lesquels il n’est pas sûr que ce nouvel album eut été aussi intense. Même s’il reste fidèle à la guitare acoustique, force est de constater que l’environnement a donc évolué.
Outre la production, la qualité de Holding On / Setting Go réside dans des compositions équilibrées. Les instruments acoustiques et électriques ne font qu’un avec les arrangements électroniques, à l’image de Locus Fudge. Robin Proper-Sheppard y chante toujours des histoires sombres mais avec une vitalité retrouvée.
Le trio de tête de ce onzième disque – qui compte dix titres – célèbre la pop noire avec beaucoup de soin. Dès l’intro synthétique, qui agit d’ailleurs comme un leurre, les guitares prennent le contrôle sur les arrangements multiples. Aussi, le génial Strange Attractor pioche dans la cold, l’indie et le folk-rock et s’enfonce dans un édredon noisy confortable. Plus en retenue, mais tout aussi captivant, Undone.Again nous entraine dans un dédale mélodique où les trompettes et autres arrangements transportent l’allégresse sous un soleil noir de béatitude. Et on comprend mieux que cette chanson s’adresse à celle qu’il aurait voulu aimer. Retour au classicisme sur Wait, dénudé et mélodique, qui renoue avec sa marque de fabrique.
Robin Proper-Sheppard a toujours pris soin de ses productions en s’entourant de musiciens divers et talentueux. Ici, un grain, là, un parti pris dans les nuances qui font toute la différence : comme ce changement de son de la caisse claire au milieu d’un titre. Soit une multitude de petites choses qui s’apparentent à un travail d’orfèvre.
Les autres titres brillent par intermittence, et le chanteur américain se permet même un clin d’œil, toutes guitares hurlantes, à son ancien groupe sur We See You (Talking AIm) aux réminiscences Stoogiennes. Holding On / Setting Go est enfin l’album d’une liberté conditionnée qu’on espérait plus.
Mathieu Marmillot