Journaux troublés aborde de front l’un des rares tabous de notre société, les maladies psychiatriques. Les auteurs nous invitent à un doux mais douloureux voyage dans un univers méconnu.
Les seules maladies honteuses sont désormais les troubles psychiatriques. Non seulement les malades se cachent, mais leurs proches les fuient. Qui osera évoquer la bipolarité, la dysmorphophobie ou l’hystérie d’un oncle ou d’un frère ? Ces mots et ces maux terrifient. Ne seraient-elles pas contagieuses ou, pire encore, pour la famille, héréditaires ?
Conscient de nos difficultés à aborder un tel sujet, Sébastien Perez trace une route originale et pleine de poésie. Il aborde treize maladies, ou plutôt treize malades. Dans l’Arion Asylum, un asile perdu au fond de la forêt, treize pensionnaires ont vécu et se sont décrits en quelques courtes phrases.
Un artiste lumineux, Marco Mazzoni, illustre leur lettre. Puis, il nous propose une courte et silencieuse bande dessinée animalière. Ses oiseaux, grenouilles et autres poissons, tous magnifiques, tentent de transcrire l’émotion contenue dans la confession intime. La lecture est exigeante, mais aisée. Nous ne sommes plus confrontés à la souffrance d’humains, mais à celle, suggérée, d’animaux. La charge empathique est moins forte. Enfin, un très court texte décrit, en termes techniques mais accessibles, la maladie. À l’issue de cette lecture, de salubrité publique, vous ne pourrez plus prétendre ne pas savoir… D’ailleurs, une lecture ne suffit pas, sentez-vous que le livre vous rappelle ?
Le dessin de Mazzoni est unique. Il associe de charmants petits animaux réalistes, travaillés en gros plans, à une nature féérique. L’ensemble est travaillé aux crayons de couleur. Il propose une harmonie de bleus et de roses pastels qui sont tous sauf « layette ». Le résultat est angoissant, mais fascinant. J’y retourne.
Stéphane de Boysson