Anaële Hermans, qui a vécu au Burkina Faso, nous livre une bien belle histoire qui est tout à la fois une invitation au voyage et une rencontre avec des jeunes a priori lointains, mais terriblement proches de nous.
Hippolyte, un jeune acteur, sirote une bière. Lui et ses camardes sont fauchés, trop pauvres pour renouveler leur Brakina. Alors, ils la font durer. La boisson est depuis longtemps tiède, mais ils goutent le plaisir de rester là, assis, dans le maquis. Quand, soudain, la magnifique Adjaratou vient à s’attabler. Hippo appartient à l’ethnie Mossi, elle est Samo. Ils sont « parents à plaisanterie ». Depuis la nuit des temps, les griots chantent que les Mossis sont les esclaves des Samos, tandis que les Mossis traitent les Samos d’ânes. Ces étranges plaisanteries sont rituelles et les « insultes » codifiées sont acceptées. Irrésistiblement séduit, Hippo la demande en mariage. Adjaratou accepte, à la condition qu’il réunisse un million de francs CFA en moins de sept jours. Une somme extravagante. À la surprise de ses amis, le il relève le gant.
Pour avoir été, il y a bien longtemps, coopérant en Guinée (Conakry), j’ai ressenti un pincement au cœur en découvrant les premières pages de l’album. Les grandes villes africaines se ressemblent, ce qui ne signifie pas que l’Afrique ne soit pas plurielle. Je me suis retrouvé, attablé dans le maquis, à siroter une Skoll (la « Brakina » locale) tiède, contemplant le coucher du soleil et observant la ville se préparer à la nuit.
Le dessin de Benjamin Vinck et de Louise-Marie Colon reprend les canons de la ligne claire. Leur documentation est sérieuse. Tout au plus, hésitent-ils à multiplier les, très exigeants, mouvements de foule. Si l’on se souvient que Ouagadougou a vu sa population multipliée par 6 en 30 ans, il manque un peu de monde.
Traitée de façon réaliste, le pitch rappelle celui de la célèbre série Aya de Yopougon de Marguerite Abouet et Clément Oubrerie. Nous suivons le quotidien d’un groupe de jeunes adultes, bien ancrés dans leur temps, à la seule différence que ce sont des garçons. Hippo est débrouillard et fondamentalement optimiste. Avouons que les dieux lui sont bienveillants et que les oppositions seront aisément surmontées.
Ting Tang Sap Sap est une belle et attachante histoire qui, comme à Bollywood, finit en musique. Une fois n’est pas coutume, ne gâchez pas notre plaisir et venez danser aux côtés d’ Hippo et de la belle Adjaratou !
Stéphane de Boysson