Film de genre choisissant de brosser un portrait radical des rapports raciaux dans l’Amérique d’hier et d’aujourd’hui, Antebellum manque trop de subtilité et d’énergie pour tenir jusqu’au bout son passionnant programme. Mais au moins, il crée la polémique !
On ne fait pas forcément du bon cinéma avec de bonnes intentions, mais, au moins, même si Antebellum n’est pas aussi bon qu’il aurait dû, qu’il aurait pu (il s’agit du premier long-métrage de ses co-auteurs, Gerard Bush et Christopher Renz…), on pourra toujours se consoler en se disant qu’un tel pamphlet sur le traitement de la population noire dans l’Amérique actuelle a bien sa place en période électorale, pour contrebalancer les torrents de haine déversés par les suprémacistes blancs chers à Donald… Ou au moins, si l’on ne souscrit pas au radicalisme du film, constater qu’il dresse un portrait assez accablant des rapports raciaux aux USA en 2020, ce qui est évidemment passionnant.
Bien sûr, il vaut mieux ne rien dire du tout sur le scénario de Antebellum, car, comme tous les films actuels « à twist », la surprise ménagée par le scénario, si elle est beaucoup plus prévisible que certains le prétendent (Shyamalan nous a habitué depuis longtemps à ce genre de tour de passe-passe…), est assez savoureuse. Par contre, il faut clarifier le fait que, non, contrairement à ce qu’il s’est dit, Jordan Peele n’est pas à la production – même si l’on peut en effet faire un parallèle entre son génial Get Out et Antebellum, puisqu’il s’agit après tout de deux « films de genre » porteurs d’un message politique anti-raciste assez violent : le vrai lien est seulement la maison de production QC Entertainement, responsable de BlacKkKlansman et de…Get Out.
Antebellum n’est pas un mauvais film, non, il générera même pas mal de petits frissons dans sa première partie, avant que, bizarrement, les metteurs en scène semblent jeter l’éponge, et, peut-être trop confiants dans leur histoire, laissent leur film avancer comme en pilotage automatique, au risque de le rendre presque… ennuyeux, un comble au vu de son sujet. Fidèle néanmoins aux principes du film de genre, Antebellum se termine dans un déchaînement de violence cathartique, pas si loin de ce que Tarantino avait réussi avec son Django Unchained, mais, inévitablement, avec bien moins d’intelligence. On restera quand même assez stupéfaits devant le final lyrique et la galopade effrénée, hache à la main, de la superbe Janelle Monae, en se demandant bien ce que Renz et Bush ont voulu faire : allez, à cause de la hache et de l’apparence de Veronica à ce moment-là, on avancera une hypothèse gratuite sur le parallèle entre oppression de la population afro-américaine et génocide de la nation indienne…
Finalement, au-delà de plusieurs effets chocs faciles et de l’indignation évidemment ressentie régulièrement devant certaines scènes assez… « lourdes », le plus juste, et donc le plus fort dans Antebellum réside dans la description d’un racisme (contemporain) quotidien, visible dans le comportement du personnel de l’hôtel et du restaurant : là, le film sonne vrai.
Eric Debarnot