Under the Spell of Joy est un virage significatif pour l’un de nos combos féminins de rock dur préférés, Death Valley Girls : en privilégiant les mélodies, les vocaux et des ambiances velvetiennes et parfois même planantes, les Californiennes confirment ici tout le bien qu’on pense d’elles (y compris leur grand fan, Iggy Pop !), et complexifient leur rock garage sans rien trahir de leurs principes.
Lorsque démarre, lentement, progressivement, Hypnagogia, le titre d’ouverture de Under the Spell of Love, quatrième album de Death Valley Girls, il est difficile de ne pas penser, aussi fan qu’on ait pu être des rockeuses garage de Los Angeles par le passé, que cette fois, ça y est : hypnotique (bon, cet état entre sommeil et éveil est le sujet de la chanson), menaçant, fascinant, puis puissant quand explose un saxophone free qui ne déparerait pas sur le Fun House des Stooges, voilà un morceau littéralement magistral…
…et qui ouvre une superbe chanson « pop » à la manière du Velvet du premier album, rehaussé par un refrain extatique : aucun doute, désormais, Death Valley Girls atteint ici une maturité pas forcément attendue, puisqu’il faut bien dire que nous nous régalions de son rock dur, mi punk, mi garage, et que nous aurions pu continuer ainsi sans problème pendant très longtemps…
Under the Spell of Joy, la chanson, injecte alors le même saxophone stoogien pour déchirer cruellement l’atmosphère euphorique qui se dégage de cet hymne pop martial et tout bonnement irrésistible, et se termine dans un chaos presque enfantin qui devrait donner lieu à d’homérique séances de pogo lorsque les concerts seront à nouveau possibles.
Sans citer les chansons une par une, même si elles le méritent à peu près toutes, on peut décrire le principe de Under the Spell of Joy comme une célébration – souvent joyeuse, en effet, comme toutes les célébrations devraient l’être – de l’héritage conjoint – et pas si antagoniste que ça, bien entendu – du Velvet Underground et des Stooges. En y rajoutant sans fausse pudeur une bonne couche bien crémeuse de pop typique des Girls Bands sixties. Le tout donne un album à peu près irrésistible, sauf pour ceux que la voix particulière de Bonnie Bloomgarden gênerait – ce qui peut se comprendre, mais n’est pas une excuse pour passer à côté d’un disque aussi réussi.
Car, même si nombre de chansons, comme Bliss Out avec son orgue fantasmagorique, ou la très positive – sur un rythme ultra-velvetien explosé par le chant de Bonnie – Little Things, sont plutôt joyeuses, Death Valley Girls reste un groupe capable d’invoquer à volonté des atmosphères mélancoliques, voire hallucinées (The Universe). Car, non, on ne se refait pas complètement, et c’est très bien comme ça : évoluer sans se renier, c’est tout un Art, dans lequel Death Valley Girls démontre ici sa maîtrise.
Eric Debarnot