La première adaptation en CGI des célèbres aventures de Lupin III, petit-fils du grand Arsène, se révèle une déception malgré la qualité de sa mise en scène et de son graphisme.
Le fan d’Arsène Lupin – le vrai, celui de Maurice Leblanc, jamais véritablement adapté au cinéma (mais c’est un autre sujet) – et le fan de manga et d’anime entrent forcément en collision lorsqu’il s’agit de parler de Lupin III, héros japonais ultra-célèbre de nombreux livres et de nombreux films, petit-fils « nipponisé » du gentleman-cambrioleur qui, après s’être longtemps appelé « Edgar de la Cambriole » en France pour des questions de droits d’auteur, a pu récupérer hors du Japon son véritable nom depuis quelques années. Rappelons à tous ceux qui seraient hostiles (même si on se demande bien pourquoi…) à l’anime télévisuelle japonaise que le grand Miyazaki a lui-même débuté en illustrant à l’écran une aventure de Lupin III, le Château de Cagliostro. Et soulignons que le créateur du personnage, le mangaka Monkey Punch (Kazuhiko Kato) est décédé en 2019.
Lupin III : The First (ou Rupan Sansei, en adoptant le nom et la prononciation japonaise) est la première tentative d’adapter le personnage et son univers fantasmagorique en utilisant la technologie moderne de la CGI, et, à la surprise générale, il faut bien admettre que le travail de Takashi Yamazaki et du studio Marza Animation Planet (entre autres, car il s’agit d’une co-production de plusieurs studios) est irréprochable, au point où l’on se dit souvent que l’on est plus proche de Pixar que de la concurrence américaine standard : d’un côté un très beau rendu des paysages, en particulier au niveau de la palette de couleurs, et de l’autre des personnages souvent caricaturaux, dans le respect de la forme « manga », le tout se mariant agréablement, voire même souvent idéalement… Lupin III : The First est une réussite esthétique totale, renforcée par une mise en scène inventive et même parfois superbe – en particulier dans la représentation des mouvements aériens, vols et combats, de nombreuses machines volantes (qui pourront rappeler, en poussant un peu le bouchon quand même, les visions d’un Miyazaki !) toutes plus excitantes les unes que les autres.
Si les personnages sont bien caractérisés, même lorsque le scénario ne prend pas le temps de les approfondir (il faut dire que le public-cible du film, les connaisseurs du manga, n’ont, eux, nul besoin qu’on les leur présente !), et sont tous amusants, intéressants ou touchants, si le rythme de la narration est vif, mais jamais exagéré, il reste un problème de taille qui empêche le film d’atteindre les hauteurs promises : c’est tout simplement le manque d’intérêt de son scénario… ce qui est un comble quand on voit le soin apporté à tout le reste !
Car ces histoires d’archéologie, de secrets cachés dans un manuscrit dont il faut trouver la clé, de machinerie diabolique convoitée par le Führer qui n’est pas mort mais vit caché au Brésil, ces pièges mortels qu’il faut éviter pour progresser vers le « trésor », ces fausses identités sous la forme de masques de latex, etc. etc. tout cela évoque une liste interminable de blockbusters hollywoodiens universellement connus, voire usés. Il est très difficile, du coup, de prendre le moindre plaisir à une succession de rebondissements convenus, parfois même largement absurdes, et on finira presque par s’ennuyer doucement durant la dernière demi-heure du film, où même les anachronismes amusants et les « japoniaiseries » probablement involontaires (la consommation de nouilles déshydratées dans la France du début années 60 est vraiment étonnante !) n’arrivent plus à nous distraire.
Espérons que pour la prochaine sortie de cette inévitable nouvelle franchise, quelqu’un se sera soucier d’écrire une bonne histoire, car sinon il se peut bien que notre fidélité à Arsène Lupin (le vrai, qui n’est guère qu’un lointain argument ici) triomphera bel et bien de notre intérêt pour l’anime. Et nous déclarerons forfait devant Lupin III : The Second (?). Et ce serait dommage…
Eric Debarnot