La troisième saison de Marcella tente de transposer les tourments de son héroïne perturbée dans un nouveau rôle et un nouvel environnement, mais finit par retomber dans les mêmes ornières que les deux saisons précédentes.
Beaucoup de gens adorent Marcella, qui a d’abord bénéficié d’une aura de série-culte, qu’on se recommandait entre « connaisseurs », avant de connaître une confortable popularité. On risque de se mettre donc pas mal de gens à dos en émettant quelques critiques vis-à-vis de la création de Hans Rosenfeldt et Nicola Larder, dont la troisième (et dernière ?) saison est disponible depuis quelques mois.
On avait été très circonspects lorsqu’on avait découvert cette série anglaise qui avait tout d’une série scandinave : certes, on comprenait que le Suédois Hans Rosenfeldt, qui avait fait partie de l’équipe de Bron, se reposait sur des mécanismes qu’il connaît bien, mais le copié-collé systématique des enquêtes de Sara Lund – jusqu’aux fameux pulls de l’héroïne ! – dans le magnifique Forbrydelsen en était presque gênant. Bien filmé, avec de superbes points de vue sur Londres et sa nouvelle skyline, plutôt bien interprété grâce au professionnalisme des acteurs anglais (… même si l’on pouvait émettre quelques réserves sur le jeu un peu convenu d’Anna Friel, exagérément récompensée par un Emmy Award), la première saison de Marcella multipliait un peu trop les personnages, les fausses pistes et les intrigues parallèles, et les coups de théâtre peu vraisemblables.
Beaucoup de ces travers avaient été heureusement corrigés dans une seconde saison, qui aurait dû marquer la fin de l’histoire… mais se terminait par une dernière scène qui laissait craindre le pire. Et de fait, Netflix a misé sur Marcella et nous offre une troisième saison qui rompt brutalement avec les deux premières et nous transporte dans un univers – Belfast au lieu de Londres – et dans un style de « polar » différent : disons en exagérant, qu’on est plutôt cette fois dans une version féminine de la Mémoire dans la Peau matinée d’un film de famille mafieuse à la James Gray. Le choc est rude, à la découverte d’une Marcella blonde, et quasi amnésique – ou tout au moins reléguant dans l’oubli la mort de son bébé dans la seconde saison et son itinéraire destroy qui avait suivi – infiltrée au sein de la famille criminelle toute-puissante des Maguires qui règnent sur le crime organisé local : il nous faut d’abord faire notre deuil de la Marcella d’avant, et nous réhabituer à ce nouvel univers, avec de nouvelles règles.
Et pourquoi pas ? Car ces histoires familiales sont passionnantes, avec une galerie de personnages certes stéréotypés – mais on le sait, l’abus de stéréotypes fait partie de l’ADN de la série – (la mère autoritaire, le fils ainé névrotique, le fils cadet ambigu et brutal, le beau-frère totalement abruti, pas de surprise…), mais assez amusants. Là où le scénario cousu main déraille, et, très honnêtement, on ne sait pas vraiment si c’est volontaire de la part des scénaristes, ou si c’est encore une fois de la maladresse, c’est que les troubles mentaux de Marcella, qui se sont miraculeusement (?) transformés en une belle schizophrénie (facile à diagnostiquer, avec le vieux coup de la double personnalité !) se mettent à interférer avec son enquête, aux dépens de toute vraisemblance.
Bien commencée, cette troisième saison s’abime peu à peu, nous refait ses éternels coups de théâtre pas très bien vus, et se termine plutôt mal, entre un massacre général frôlant le ridicule et une super arnaque finale qui ne prête guère qu’à rire. Ce qui prouve que, même quand tout change, tout reste pareil : cette troisième livraison d’épisodes présente bel et bien les mêmes petites qualités et les mêmes gros défauts que les deux précédentes. On espère donc que Netflix et les showrunners s’en tiendront là.
Eric Debarnot