Dans la foulée de leur très beau set au Studio 104, nous avons pu rencontrer Tom Coll et Conor Curley, respectivement batteur et guitariste de Fontaines DC, histoire de faire le point sur la situation de ce groupe qui est clairement entré dans la cour des grands avec un second album brillant.
Au Studio 104…
Benzine : On vous a vu au Bataclan l’année dernière, mais hier, au Studio 104, vous étiez bien meilleurs…
Tom : C’est intéressant, j’avais aimé jouer au Bataclan, mais je crois qu’on était tous très fatigués, on arrivait à la fin d’une longue tournée. On était peut-être trop dans la boisson, du coup ! (rires) Mais c’était une drôle d’expérience hier, c’était étrange, stérile un peu, les masques, tout le monde assis…
Benzine : Tout le monde était supposé rester assis, on a respecté les consignes, mais, même si pour vous c’était étrange, je ne pense pas que de notre côté nous ayons été frustrés, car vous étiez vraiment très bons !
Tom : C’est bien, on n’avait pas joué depuis si longtemps, on aurait pu être absolument horribles… Bon, tant mieux alors !
Conor : Et le son était aussi meilleur, hier…
Benzine : Votre second album, A Hero’s Death, est très différent du premier. Qu’est-ce qui a changé en fait ?
Tom : On a tous changé profondément entre le premier et le second album. A l’époque du premier, on vivait tous à Dublin, on faisait des petits boulots mal payés, alors notre album ne parlait que de Dublin, de notre ville… Mais on ne voulait pas faire le même album deux fois, de toute façon, ça aurait été ennuyeux, non ? Celui-là devait être un peu plus lent, un peu plus mélodique.
Conor : Je crois que ce n’est pas vraiment une évolution voulue, mais l’album a été écrit au fur et à mesure que nous donnions des concerts, alors que la musique était en train de devenir notre vie. Et on s’est retrouvés avec une gamme de chansons plus large, plus fidèle aussi aux musiciens que nous étions… explorant plus de facettes de nos capacités… Des chansons plus vraies par rapport à qui nous sommes.
Trouvez son style propre…
Benzine : Bien sûr, le groupe impressionne d’abord par la qualité des textes, mais comment est-ce que vous faites pour construire vos chansons ?
Conor : Chaque chanson est un processus différent, certaines arrivent déjà toutes prêtes, tandis que d’autres doivent recevoir leur « chair » petit à petit grâce au travail collectif. Parfois, l’un d’entre nous a une idée, et la chanson apparaît comme ça, dans la pièce ! ça dépend vraiment… Mais les meilleures chansons, finalement, ce sont celles qui naissent naturellement…
Benzine : L’une des raisons qui nous font préférer A Hero’s Death, le nouvel album, c’est que, par rapport au premier, on sent que c’est vous, que vos influences ont été digérées…
Conor : Merci ! C’est un très beau compliment… Je suis d’accord, je crois qu’on est plus originaux, que c’est notre son à nous… C’est l’objectif de n’importe quel groupe, le Rock date maintenant de si longtemps, c’est trop facile de devenir une sorte de pastiche, c’est beaucoup plus dur de trouver son style propre. Et on veut construire là-dessus dans le prochain album.
Benzine : En France, aujourd’hui il y a deux groupes qui sont importants dans le Rock, je dirais, IDLES et vous… Et on était contents de vous voir à une époque où personne ne tourne. Mais pourquoi êtes-vous venus en France, vous avez une relation particulière avec notre pays ?
Tom : Oui, on aime la France…
Conor : Pour un groupe irlandais, c’est logique de venir jouer rapidement en France. On essaie de se faire connaître d’abord en Angleterre, et puis, après, en Europe, géographiquement c’est la France. Les gens ici ont été très gentils avec nous,… et puis il y a le vin ! (rires)
Tom : On était sensés jouer au festival Levitation, et on avait organisé de la promo autour de ce voyage… Alors quand le festival a été annulé, il y a une semaine, on s’est dit : « c’est pas grave, on va faire le reste du programme ». Et puis on n’avait pas été ensemble depuis plusieurs mois, ça a été un super rendez-vous pour le groupe, être ensemble, jouer ensemble à nouveau.
Toute la culture irlandaise tourne autour de l’Art…
Benzine : 2020 est probablement l’une des pires années que nous ayons tous vécu… Comment est-ce que vous vivez ça ?
Conor : On était dans une situation particulière, on était heureusement très focalisés sur la finalisation et la sortie de notre album, ça nous a donné quelque chose à faire, sur quoi nous concentrer… Alors que beaucoup de groupes se sont retrouvés sans rien à faire… Rien ! On a eu de la chance…
Benzine : Il y a des concerts quand même en Irlande en ce moment ?
Tom & Conor : Non, rien du tout… Non
Conor : C’est très dur, même si on ne va pas se plaindre vu la gravité de la situation. Et puis beaucoup de groupes dépendaient des concerts pour survivre, alors que nous, nous avions fait ça toute l’année précédente et on pouvait tenir le coup…
Benzine : Vous êtes Irlandais, voisins de la Grande-Bretagne, qu’est-ce que vous pensez de ce qui se passe là-bas ?
Conor : Je connais des types en Angleterre qui jouent dans des groupes, et il y a ces politiciens qui leurs disent : « Vous les musiciens, il faut que vous appreniez un autre métier ! ». Ils ne comprennent rien au travail des artistes, à la quantité de travail et d’efforts qu’il faut pour arriver à produire quelque chose. Je suis fou de rage d’entendre des conneries comme ça… Heureusement, en Irlande, rien de tout ça, le pays a tellement une relation profonde avec les Arts, personne de dirait ça, c’est toute notre Culture qui tourne autour de l’Art.
Benzine : Dernière question, la question difficile : si vous ne jouiez pas dans Fontaines DC, qu’est-ce que vous feriez ?
Conor : Mon job de rêve, je ne sais pas… Mais pour une raison que je ne m’explique pas, je pense souvent que j’aimerais être électricien… Je ne sais pas pourquoi, mais si je pouvais réparer tous les problèmes électriques autour de moi, je me sentirais beaucoup plus en position de contrôle ! (rires)
Tom : Moi, je voudrais être un plombier ! Tout le monde a besoin d’un plombier, pour réparer ses fuites. Un bon métier solide ! (rires)
Benzine : Merci, et on se revoit en avril prochain, si tout va bien, pour votre concert à l’Olympia !
Interview : Eric Debarnot