Sur d’excellentes prémisses scénaristiques, avec de bonnes interprètes et une mise en scène réfléchie, les Liens Maudits déçoit dans sa dernière partie en retombant dans les clichés les plus basiques du genre fantastique.
Il n’est plus très « à la mode » de réaliser, même chez Netflix, des films d’horreurs qui choisissent la voie d’un certain réalisme – dans les limites du genre, bien entendu –, et les choix scénaristiques et de mise en scène des Liens Maudits, une production italienne de la plate-forme, rendent forcément le premier film de Domenico de Feudis attirant pour quiconque est fatigué des éternelles mêmes histoires qui nourrissent le fantastique de consommation courante. Il s’agit ici de confronter une jeune femme (Mía Maestro, très convaincante) et sa fille aux secrets familiaux de son fiancé, qui l’a emmené pour la première fois rencontrer sa mère dans le Sud de la Péninsule : ces secrets familiaux s’avèrent moins banals que les nôtres, puisqu’ils sont liés à des superstitions ancestrales et à une tradition locale de rituels primitifs autour de la possession par le sang, ou plutôt de ce que les initiés appellent « le lien » (Il legame, en version originale…) !
Même si, pour finir, on retombera sur pas mal des clichés habituels, avec sombre demeure familiale plus ou moins hantée et… possession, donc, façon Exorcist, on appréciera l’ancrage du scénario dans une certaine véracité culturelle, d’ailleurs mise en avant dans le générique final déroulant des photographies de « cas réels » (ou tout du moins on l’imagine…) qui ont clairement servi à la composition de nombreux plans du film. L’une des grandes forces des Liens Maudits est la manière dont de Feudis prend son temps pour construire une ambiance inquiétante, ce qui permet évidemment de s’attacher aux personnages, tous bien interprétés, à l’exception de celui du fils / fiancé, qui manque cruellement de consistance et déséquilibre le récit… nous donnant finalement l’impression que les Liens Maudits est avant tout une « histoire de femmes ».
De Feudis crédibilise aussi le passage de son film aux scènes horrifiques, mais cette partie des Liens Maudits se révèlera malheureusement beaucoup plus stéréotypée, même si la mise en scène a l’élégance de ne pas trop recourir aux jump scares et trucs bas de gamme du cinéma de genre. La dernière demi-heure du film, convenue et finalement assez ennuyeuse, va malheureusement détruire beaucoup de la crédibilité établie jusque-là, en combinant d’un coup toutes les tares du cinéma horrifique standard : scénario confus, situations et comportements des personnages principaux qui ne sont plus très crédibles, quelques excès gore inutiles, et pour finir, la fameuse dernière scène laissant grande ouverte la possibilité d’une suite…
Tout cela est très dommage, car on quitte les Liens Maudits sur une mauvaise impression, qui ne rend pas hommage à sa bonne première partie. Et, à y réfléchir a posteriori, on se dit que De Feudis a manqué de courage : en approfondissant plus l’aspect « réalisme local des superstitions », et en creusant le sujet potentiel d’une société qui serait basée sur un « pacte secret » entre femmes, ses Liens Maudits auraient pu avoir une bien plus fière allure.
Eric Debarnot