La seconde fournée de la série-phare et irrévérencieuse d’Amazon Prime The Boys reste identique à la première : mêmes petits défauts narratifs, même plaisir jouissif de destruction de mythes pour le téléspectateur.
Les retrouvailles attendues des super-héros anti-système de chez Amazon laissaient craindre cependant, pour nous téléspectateurs, une baisse de régime ou du sur-place qui aurait laissé vite place à un ennui déceptif. Résultat : on est presque passé près de ce sentiment, mais le réel plaisir coupable de voir s’adonner ces personnages dégueulasses dans leur actions aussi violentes qu’amorales est là, et bien là. Du coup, on aimerait être déçu, mais on adore détester ces z’héros.
Surtout que, pour cette nouvelle saison, les créateurs n’iront pas chercher plus loin que ce qu’ils veulent encore et toujours dénoncer : la pointage du doigt de nos sociétés d’information à outrance et d’univers médiatique capitaliste et régenté par le buzz permanent. Ce thème est ici largement rebattu, notamment avec l’arrivée d’un personnage encore plus détestable et génial que les autres (oui oui c’est possible) : Stromfront, grande gueule féministe, addict aux réseaux sociaux qu’elle manipule à outrance et garante d’un secret gerbant. Ce personnage arrive à condenser toutes les failles et les excès de la bande des Sept, soit le groupe le plus emblématique des super-héros en vigueur dans le monde. Elle y trouve donc logiquement sans place, arrivant à damer le pion au détestable Protecteur et sa ribambelle de suiveurs égoïstes et prétentieux (humains, donc…?), et à renverser les codes narratifs plutôt pépères de la première moitié de saison.
Effectivement, on ne peut pas dire que les premières heures du show télévisuel sanglant et parfois « what the fuck » se démarque de la première mouture, les scénaristes ne souhaitant que peu faire évoluer ses personnages ou accélérer considérablement les intrigues. On se marre, on jubile même, tout en se disant qu’on laissera passer la baisse de régime générale de la série.
Heureusement, celle-ci change un peu sa Kalachnikov d’épaule quand elle décide de ne plus s’intéresser autant aux Boys, groupe dissident qui entend stopper la puissance médiatique nuisible des Sept (mené par un Butcher mineur par rapport à la première saison). Ces passages longuets et peu intéressants laissent ensuite place aux querelles intestines des super-héros leaders, leurs vies privées, leurs dilemmes, leurs sombres passés ou les maux qui les rongent. Mais qui ne vont pas les rendre plus sympathiques pour autant.
C’est en cela, d’ailleurs, que la série The Boys restera toujours ce plaisir coupable, acide et gonflé, peu importe le rythme ou des carences scénaristiques : les thèmes abordés – mass média et buzz sur les réseaux sociaux, infox et dictature de l’entertainment, mercantilisme et capitalisme forcené, manipulation et terrorisme de la pensée – sont suffisamment contemporains et savoureux (difficile encore de croire que cela puisse être produit par Amazon…) pour prendre son pied à suivre des personnages absolument pas manichéens, dans un monde qui n’arrive plus à distinguer qui sont les méchants et qui sont les bienveillants.
Triste constat, mais même s’il n’y a pas de véritable morale, le regard porté sur l’ensemble reste de la vraie critique de notre société d’information actuelle. Indispensable, on dira.
Jean-François Lahorgue
The Boys – saison 2
Série américaine de Eric Kripke (8×55 mn)
Avec Karl Urban, Jack Quaid, Erin Moriarty
Diffusion : Amazon prime Video (septembre 2020)
[Amazon Prime] The Boys – Saison 1 : on liquide les super-héros !