Rencontre avec Alexandre Lapointe, bassiste et fondateur de The Brooks, pour parler des origines, du son, des influences et de Any Day Now, le dernier album en date de ce fameux groupe de funk sorti ce vendredi sur Underdog Records.
Any Day Now est le dernier petit bijou de The Brooks, un album positif qui explore toutes les facettes du groove, du funk et de la soul et qui ressemble vraiment à l’album de la maturité pour ceux que l’on qualifie de « secret le mieux gardé du funk canadien ». Leur rencontre avec les français du Label Underdog Records qui publient ce disque constitue une nouvelle étape de leur carrière et continue de souder le lien qui nous unis à nos funky cousins d’Amérique. Pour en savoir plus nous avons posé quelques questions à l’un de ses fondateurs Alexandre Lapointe.
Alexandre, vous êtes le bassiste et le fondateur de The Brooks, et ma première question est toute simple, pourquoi le groupe se nomme The Brooks ?
Bien que j’aimerais avoir une réponse plus intéressante ou poétique à donner dans le genre que l’idée serait venue de la traduction d’un ruisseau transportant une énergie positive, l’idée du nom Brooks vient plutôt d’un voyage à Brooklyn que j’ai fait pour rencontrer l’équipe de Daptone Records. Au départ, The Brooks s’appelait (pour un bref moment) The Troublemakers, qui est le nom du studio où tout a commencé. En décidant de vouloir changer de nom, pour ne pas être affilié au studio, je me suis mis à jouer avec Brooklyn en tête pour arriver à un diminutif qui n’a pas vraiment de sens avec la ville non plus, finalement.
Vous sortez un 3ème album nommé Any Day Now, j’imagine qu’avec la situation actuelle faire la promotion de celui-ci doit être plus compliqué que pour les précédents, au Canada comme ailleurs.
En effet, la situation n’est pas facile à gérer. Le fait que nous soyons plusieurs musiciens dans le groupe complexifie la tâche dû aux règlements de distanciation sociale, entre autres. Mais, avec The Brooks, nous avons la chance de faire la musique qu’on veut, comme on veut de la manière que l’on veut. Je suis donc convaincu que nous allons trouver une manière bien à nous de proposer l’album à notre façon.
C’est un très bon album que je ne me lasse pas d’écouter, et je trouve que l’on ressent sur certains morceaux des inspirations P-Funk avec des envolées de groove parfois psychédéliques, un peu de style Motown aussi et même parfois une pointe d’Acid-Jazz. Parlez-nous des influences qui ont conduit à sa création.
Lorsque Philippe Look, le guitariste du groupe, m’a appelé pour me demander ce que je voyais comme nouvel opus, je me suis dit qu’on devait assumer nos influences au maximum. Nous avons toujours fait ce qu’on voulait, mais comment pousser plus loin ?
Lorsqu’on écoute les albums d’Isaac Hayes, Ray Charles ou encore Sam Cooke, entre autres, leurs manières de marier un orchestre avec un groupe de musique ont été d’une très grande influence pour cet album. Assumer pleinement un concept, bercé par des cordes, des vents, des percussions, le tout mélangé avec la musique de The Brooks. Nous sommes toujours dans le même genre, mais d’une façon plus mature. Sans oublier que nous sommes non seulement 8 musiciens, mais aussi 8 mélomanes qui ADORONS la musique, tous styles confondus. Donc, l’influence de chacun se fait sentir à son plein potentiel.
Dans le groupe vous êtes donc 8, est-ce que tout le monde est impliqué de la même manière dans l’écriture et la composition des morceaux ?
Effectivement, nous sommes beaucoup dans le groupe et chacun apporte ses inspirations. Mais pour ce qui est de l’écriture des chansons, ce ne sont pas tous les musiciens qui vont être impliqués dans l’écriture de la même façon. Mais tout un chacun apporte ses idées propres à son instrument.
En 2014 sur votre premier album Adult Entertainment, la priorité était mise sur les instrumentaux, qu’est-ce qui vous a décidé par la suite à faire chanter Alan sur de plus en plus de morceaux ?
En fait, le groupe n’était pas nécessairement voué à faire des spectacles ou des albums. Au départ, nous souhaitions surtout nous concentrer sur de la musique de film. Rapidement, le groupe qui était composé au départ de Maxime Bellavance à la batterie, Marc-André Bellefleur aux percussions, qui est remplacé plus tard par Philippe Beaudin, Philippe Look à la guitare et moi-même, Alexandre Lapointe à la basse, s’est agrandi. Différents amis/collaborateurs issus d’autres projets, comme Daniel Thouin au clavier et Sébastien Grenier au saxophone se sont joints au groupe graduellement.
Peu de temps après, nous avons reçu une demande pour jouer dans un club de jazz de Montréal, Le Dièse Onze, et Gary Tremblay, le propriétaire, nous a demandé d’arriver avec un concept : jouer tous les mercredis soir pendant 3 mois et avoir un chanteur invité par mois. Le premier mois, nous avions invité Alan. Étant donné qu’Alan était tromboniste avant d’être chanteur, je lui ai demandé s’il serait intéressé à ce que je lui envoie nos chansons pour qu’il apprenne la section de cuivre afin qu’il puisse jouer avec nous les chansons instrumentales, entremêlées de reprises que nous faisions dans la soirée. Au lieu de cela, il m’a renvoyé les chansons avec des paroles qu’il avait ajoutées de chez lui. Nous nous sommes tous regardés en nous disant : « Mon dieu… On a un album! »
La basse est un élément clé du Funk et on pense souvent à des légendes des 70’s comme Bootsy Collins, Larry Graham, George Porter Jr ou Rocco Prestia. Mais pour vous à titre personnel quel est le bassiste qui vous a le plus inspiré dans votre carrière ?
Effectivement, tous ces bassistes ont influencé ma façon de jouer. Je pourrais même ajouter Jerry Jemmott, Bobby Vega, Pino Palladino, Duck Don, Carol Kaye. Mais pour moi, mes deux plus grandes influences sont définitivement James Jamerson et Paul Jackson.
En cette période compliquée où les concerts et les voyages se font rares, vous pouvez nous raconter votre meilleur souvenir de concert ou de tournée avec The Brooks, des anecdotes qui nous feront patienter jusqu’à votre prochaine tournée française ?
Ce qui est VRAIMENT intéressant avec les Brooks, c’est que nous sommes une belle et grande famille qui s’est choisie. On ADORE être ensembles sur la route pour se faire de bonnes bouffes, quelques fois bien arrosées et pour garder cet esprit, nous aimons beaucoup louer des maisons ou chalets au lieu de chambres d’hôtel. Ce sont des moments inoubliables que nous avons la chance de vivre entre nous. Même qu’à quelques occasions, si le temps le permet, le fait d’être ensemble nous permet même d’écrire sur la route.
De plus, chaque spectacle est un souvenir inoubliable. Avoir la chance de rencontrer tous ces gens qui viennent nous voir, qu’ils se sentent interpellés d’une manière ou d’une autre par notre musique, de voir toutes ces cultures, tous ces pays… On a la chance de faire le plus beau métier du monde en faisant vivre des émotions aux gens en allant à leur rencontre dans plusieurs pays. C’est précieux.
Pour finir une dernière petite question, en 1975 dans l’album Mothership Connection, George Clinton et Parliament chantaient « We want the Funk, Give up the Funk, We need the Funk, We gotta have that Funk ». 45 ans plus tard pouvez-vous nous donner votre définition du Funk de 2020 ?
Eh bien, pour moi, le funk est plus que juste la musique… c’est un style de vie et un style de vie musical. Jouer de la musique avec une seule chose en tête… Si vous pouvez vous écarter et laisser la musique montrer la voie avec peu ou pas de règles… Alors ça va être FUNKY !!!
Interview réalisée par Arnold Pijot