Entre fantastique païen, délires hallucinés et parabole politique, The Third Day veut sans doute trop en faire et avance en laissant son téléspectateur sur le bas-côté…
Il faut bien admettre que, même si notre amour pour la télévision britannique, enraciné dans l’excellence des fictions et documentaires de la BBC du siècle dernier, doit en souffrir, toutes les séries TV anglaises ne sont pas aussi brillantes qu’on le souhaiterait. Cette fois, c’est le scénariste de la très surestimée Utopia qui pense avoir une idée de génie : s’inspirer des récits anxiogènes et plutôt bien reçus par la critique et le public tournant autour de cultes païens ancestraux – de Wickerman à Midsommar, il y a de quoi pomper ! -, et rajouter une bonne dose des principes du « film-cerveau » inventé par Cronenberg à sa grande époque, où le (télé)spectateur voit le monde / la réalité à travers les yeux du protagoniste principal, dont la fiabilité est questionnable (effet de drogues, déséquilibre mental…). Et filmer le tout de manière « originale », histoire de passer sans trop d’efforts pour un « auteur », au risque de flanquer une migraine carabinée au (télé)spectateur. Voilà le programme bien construit de The Third Day, jusqu’à une conclusion suspendue et peu claire, qui choisit la facilité, comme c’était éminemment prévisible.
Pourtant, tout n’est pas à jeter dans cette mini-série de six épisodes d’une heure… L’enfermement (l’isolement extrême) du « héros » (des héros en fait) sur une petite ile, peuplée de gens au comportement étrange et en proie à un conflit violent entre deux factions en désaccord sur leur système religieux / de gouvernance, et reliée fort aléatoirement au monde, génère une anxiété assez plaisante pendant les trois premiers épisodes. Le basculement de la série à mi-course (plus de réalisme, de nouveaux personnages) est culotté, et intrigue… au moins jusqu’à ce qu’on comprenne – trop rapidement sans doute – ce qui se passe exactement. L’interprétation est, caractéristique presque systématique de la télévision britannique, excellente, avec un Jude Law qui utilise joliment la disparition avec l’âge de son image un peu trop lisse de joli garçon, et deux beaux rôles féminins tenus par Emily Watson et Naomie Harris, deux actrices qui n’ont, il est vrai, plus grand-chose à prouver.
Bref, il convient de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain, et de ne pas condamner trop vite à l’oubli cette tentative assez ambitieuse de poursuivre une veine fantastique politico-sociale qui ne soit pas fondée sur des clichés rebattus, même si elle souffre de trop nombreux défauts qu’il aurait été pourtant assez faciles a priori de corriger. Peut-être que la meilleure approche possible de The Third Day est de la regarder comme une parabole sur l’isolement croissant, volontaire, de la Grande-Bretagne, une île qui se considère toujours, en dépit de toutes les évidences et même du pur bon sens, comme le centre du monde. Et qui est ingouvernable puisque s’y affronte stérilement et éternellement deux partis politiques aussi similaires que complètement irréconciliables.
Eric Debarnot