Le temps est-il en nous ou hors de nous ? Vieux débat. Dans un monde policé, la vie des gens ordinaires parait comme en suspens, comme le montre cette bande dessinée venue du Nord.
Il était une fois un quartier pavillonnaire suédois, sans histoire. Tout y était calme, très calme.
Henrik aime le vélo et la course à pied. Il aspire à une vie normale. Sa femme, scientifique de haut vol, est en arrêt maladie. Tel Pascal, le silence éternel de ces espaces infinis l’effraie. Sten, leur fils, collectionne les insectes et les animaux empaillés. Henrik préfèrerait qu’il joue au foot ou, au moins qu’il fasse du skate, comme tous les enfants.
En face, un jeune couple vient de s’installer. Odd, le père, a travaillé jour et nuit pour rénover la maison, avant de disparaître avec ses collections de figurines et de disques. Magda, la mère, est anxieuse. Sa sœur est venue l’aider. La police craint un suicide ou un accident. Les gamins du quartier accusent Sten, il l’aurait tué pour l’empailler.
Henrik s’inquiète pour sa femme qui s’éloigne, pour l’introversion croissante de son fils, pour la voisine abandonnée. Peut-il, à lui seul, maintenir un monde qui s’effiloche ? Pendant ce temps, la vie quotidienne fait ce qu’elle fait de mieux, elle suit son cours… La battue n’a rien donné. Dans une merveilleuse scène, frustré, Henrik consulte une psychologue. La voisine cherche sur Internet. Sa sœur a plaqué son amant, lui a dérobé un masque et se perd dans les limbes de ses rêves…
Parfaitement croqués, les héros de Pelle Forshed surprennent par leur inertie, leur solitude, leur addiction aux écrans et, au final, par leur humanité. La vie s’écoule. À son tour, le lecteur s’inquiète, sa lecture s’accélère, le drame se met en place. Entretemps, Magda s’interroge, est-elle coupable de la fuite de son mari ? Des gamins martyrisent Sten, qui se découvre un alter ego dans la fille des voisins. Le drame n’est jamais certain.
Avec une grande économie des mots, les monologues croisés de Forshed déroulent une histoire triste. Son dessin minimaliste – des aplats de couleurs, des décors géométriques, des visages peu gracieux et des silhouettes rondes – peut dérouter. À la seconde lecture, le lecteur admettra que les proportions sont justes et les cadrages travaillés. Une très belle découverte.
Stéphane de Boysson
Pendant ce temps
Scénario et dessin : Pelle Forshed
Traduction : Aude Pasquier
Éditeur : L’Agrume
190 pages couleurs – 20 €
Parution : 24 septembre 2020
Pendant ce temps – Extrait :