Il y a trop peu de péplums à peu près réussis sur nos plateformes de streaming, sans même parler des salles de cinéma, pour tordre le nez sur Barbares, la dernière production de Netflix Allemagne, qui évoque la bataille décisive de la forêt de Teutobourg.
Nous sommes en 9 après Jésus-Christ. Toute la Germanie est occupée par les Romains… Toute ? Non ! Car un village peuplé d’irréductibles Chérusques résiste encore et toujours à l’envahisseur…
On plaisante, mais comment ne pas penser à notre Astérix national en entamant le visionnage de la dernière série de Netflix Allemagne, Barbares, consacrée à la bataille de la forêt de Teutobourg ? Une bataille célèbre (enfin, pas trop en France, où l’on préfère parler de Gergovie et du rôle de Vercingétorix, pourtant beaucoup moins importants historiquement !) qui vit les trois légions d’occupation de la Germanie, commandées par Varus, détruites par une alliance improbable entre des tribus locales qui ne s’étaient jamais entendues jusque-là… Si les circonstances exactes de ce désastre inédit pour l’armée romaine sont floues, hormis en ce qui concerne le rôle-clé joué par Arminius, un déserteur parfaitement au fait des tactiques romaines, voilà un sujet qui permet forcément à des scénaristes avisés de nous pondre un récit épique et sauvage, souligné d’ailleurs par des tonalités de « tragédie grecque », puisqu’il aura été décidé qu’Arminius est le fils adoptif de Varus : après tout, l’acteur italien Gaetano Aronica interprétant Varus a un joli petit air de Jules César dessiné par Uderzo, et on l’imagine bien prononcer dans le dernier épisode le fameux « Tu quoque, mi fili? » !
Barbares est une série qui a de nombreuses qualités, mais malheureusement quelques défauts qui vont l’empêcher d’atteindre à la grandeur attendue. Avec un budget confortable qui permet une reconstitution crédible des légions romaines et des scènes de bataille de la fin, avec une mise en scène soignée qui met en valeur l’ambiance humide et glaciale des forêts très photogéniques du nord de l’Allemagne, et avec un scénario ambitieux – on dira à la manière de Game of Thrones, si l’on veut, arrivant à conjuguer la « grande histoire » et les tragédies personnelles – avec ses histoires de trahisons familiales complexes qui en font tout le sel -, sans trop pour autant, et c’est tant mieux, ajouter de fantastique à une histoire qui s’en passe bien, « Barbares » est une tentative honorable de produire en format « Série TV » un péplum crédible. Et, il faut le souligner, car c’est osé et ça fait une nette différence avec le tout-venant en matière de films historiques, les Germains parlent allemand et les Romains… latin ! Et ça, sans préjuger de la qualité du latin des dialogues (attendons les avis des experts…), c’est plutôt bien joué, d’autant que la question de l’incompréhension entre les deux camps, et du rôle des interprètes est important dans le déroulement du drame…
Ce qui fâchera un peu par contre, c’est d’abord une distribution qui n’est pas toujours convaincante, certains acteurs se révélant peu crédibles dans la peau de « barbares » : la jolie Jeanne Goursaud fait définitivement trop « femme moderne » pour son personnage de Thusnelda, en dépit d’un dernier épisode bien sauvage, et l’acteur interprétant son traître de père, Bernhard Schütz, semble directement sorti d’une réunion de cabinet avec Angela Merkel ! Quant au pâle Laurence Rupp, on a bien du mal à croire à son charisme qui le ferait arriver à la tête des tribus unifiées !
Ce qui fâchera beaucoup aussi, ce sont pas mal de comportements paraissant anachroniques par rapport à l’époque (« laïcité » ou presque de la société tribale germanique, modernité du comportement féminin, etc.), mais surtout les habituelles ficelles dans le scénario dont la série aurait pu s’affranchir avec un peu plus de travail : rencontres inopinées entre les personnages dans des forêts pourtant immenses, coïncidences bien commodes, et sur la fin, une accélération de la narration qui permet de faire passer en force des éléments-clé de l’histoire, comme la séquestration des enfants des « reiks », ou pire encore, la préparation et les péripéties de la bataille finale, qui manque, et c’est un comble, de crédibilité. Pour une fois, on se dit que huit épisodes au lieu de six auraient permis de mieux poser les bases et de déployer un scénario aussi complexe.
Reste que ces limites au travail d’Andreas Heckmann, Arne Nolting et Jan Martin Scharf et de leur équipe n’empêchent pas Barbares de s’avérer une bonne surprise improbable, qui vaut bien la peine d’investir plus de quatre heures et demie de son temps. On sera plus réservés quant à la fin ouverte du dernier épisode, laissant présager une seconde saison qui n’était certainement pas nécessaire.
Eric Debarnot