Jolie surprise que ce His House, premier film (produit par Netflix) de Remi Weekes, qui mélange intelligemment maison hantée et réalisme social bien ancré dans notre époque. Un auteur à suivre.
Même si His House (spoiler !) n’est pas un chef d’œuvre, et même pas un grand film, il nous réjouit profondément par son originalité et même son audace. Parce qu’il tente un vrai renouvellement du genre un peu usé du film de « maison hantée » – même si formellement, on en est loin, on aurait bien imaginé cette histoire venir s’inscrire dans le cycle des The Haunting Of… de Flanagan -, tout en travaillant le « mélange de genre » inventé voilà plusieurs décennies par la jeune « nouvelle vague » sud-coréenne, et qui a fini par devenir une porte de sortie universellement reconnue des stéréotypes tuant peu à peu le cinéma populaire.
Ecrit et réalisé par l’inconnu Remi Weekes (une fiche encore vide à date sur l’IMDb !), suivant le principe habituel chez Netflix du « on te file le blé, débrouille-toi tout seul, mon kiki ! » qui sert de « politique des auteurs » à la plateforme, His House échappe à la plupart des travers des autres productions similaires. Son histoire tient la route, son utilisation des codes du film d’épouvante est à la fois respectueuse mais originale, et, même si l’on pourra chipoter en disant – ce que nous ne manquerons pas de faire – que le film aurait pu être encore bien meilleur -, le générique de fin ne défile pas sur un vague sentiment embarrassant de « Tout ça pour ça ? ».
Imaginez un petit peu la première idée de Remi Weekes : on va faire un film de fantômes inspiré par Ken Loach, et se faire rencontrer le surnaturel et le réalisme social. Pas mal, non ? Et puis, comme dans Lovecraft Country, mais sans le militantisme envahissant et lourdingue, on a comme personnages principaux des noirs africains, ce qui revigore le genre – la sorcellerie africaine, c’est plus fascinant que les draps de lit blanc et les chaînes qu’on agite, non ? – et nous permet en plus de revoir la formidable Wunmi Mosaku (une fois encore excellente après Lovecraft Country, justement). Et enfin, joli concept, pas si loin finalement de ce que Flanagan nous disait dans Hill House, ce n’est pas la maison qui est hantée, c’est nous ! Ce qui, accessoirement, permet de salement démocratiser le genre, en passant du manoir victorien pour richissimes aristocrates à la maison pourrie dans une banlieue londonienne en pleine déliquescence.
Bref, His House a tout bon, depuis son introduction crève-cœur mais heureusement sobre sur l’odyssée des migrants africains avant d’arriver en Grande-Bretagne, jusqu’à quelques séquences joliment effrayantes d’apparitions surnaturelles. Mais il faut bien dire que ce sont les quelques scènes, aussi terrifiantes elles aussi que parfaitement crédibles, montrant les interactions de nos migrants de héros avec une population anglaise aussi démunie qu’eux mais pleine de haine et de mépris qui marquent vraiment. Et font donc regretter que Weekes n’ait pas plus creuser encore ce sujet d’actualité fécond.
La prochaine fois, peut-être ? Nous suivrons en tout cas ce que fait Remi Weekes.
Eric Debarnot