« Je voulais que cet album vienne du cœur, encore plus que les précédents… ». Le compositeur et producteur islandais Ólafur Arnalds nous livre avec Some Kind of Peace un chef d’œuvre très personnel.
Dès lors que nous parlons de musique islandaise, la grande majorité, par un réflexe presque pavlovien, pense d’emblée à Björk et Sigur Rós, ou – pour les plus ouverts d’esprit – à un obscur groupe de black métal au nom imprononçable… Et c’est bien dommage, car beaucoup passent encore à côté d’Ólafur Arnalds. Actif depuis 2004 et plutôt discret à ses débuts, c’est sa tournée commune avec Sigur Rós, sa collaboration avec Nils Frahm ou sa remarquable contribution au sein du groupe Kiasmos qui auront permis de placer le pianiste (mais aussi multi-instrumentaliste) sur les devants de la scène. Mélanger musique électronique et musique classique est un pari extrêmement risqué, à un tel point que de nombreux artistes s’y sont brûlés les ailes au cours des dernières décennies. Pourtant Ólafur Arnalds a toujours eu l’audace de réussir ce rapprochement musical avec brio.
Some Kind of Peace est un album qui se voulait très personnel, résultant d’un travail d’introspection, particulièrement abouti à l’aune de cette période d’isolement collectif. Ólafur l’exprime explicitement : « Pas de grands concepts ; juste moi. »… Et cela transparait même dans le mastering : pas d’ajout d’effets ou d’embellissement numérique. Simplement le son des claviers, des instruments et des voix enregistrés in situ et auxquels les bruits ambiants (grincement des touches, crissement du tabouret,…) n’ont pas été amputés, gage d’authenticité.
Paradoxalement, si sa composition et son écriture furent intimistes, cet album comporte un certain nombre de collaborations artistiques. Nous retrouvons la brillante JFDR (Jófríður Ákadóttir) qui apporte son chant lyrique sur Back to the Sky, ainsi que ses chœurs sur le radieux Woven Song, ou encore Josin sur The Bottom Lines. Nous resterons néanmoins sur notre faim avec Loom, premier titre et featuring avec DJ Bonobo, pourtant pas manchot sur le sujet…
L’autre spécificité, déjà soulignée sur re :member – précédent album paru en 2018, est l’omniprésence d’instruments à cordes (violon, cello) qui s’assortissent à merveille aux claviers ; il sera difficile de retenir des frissons d’émotion sur certains tracks comme Spiral, Still/Sound ou le symbolique We Contain Multitudes, morceau phare de ce disque.
Avec Some Kind of Peace, Ólafur Arnalds parvient à partager avec son auditoire toute la palette de ses émotions, même les plus enfouies ; tel est là le symbole d’une œuvre musicale réussie.
Nayl Badreddine