Faisant partie de l’offre Blumhouse mise en ligne sur Amazon Prime, Apparence Trompeuse aurait presque pu être un vrai bon drame familial, en faisant un peu plus confiance à ses acteurs.
En 2015, Sebastian Ko et Marcus Selbert écrivent et réalisent Wir Monster (Monstres Ordinaires, en français, même s’il semble que ce film allemand n’a pas eu à l’époque l’honneur d’une sortie dans les salles françaises). Leur histoire : celle d’un couple divorcé qui se rapproche à nouveau quand il s’agit de protéger leur fille qui risque d’être accusée du meurtre de sa meilleure amie, et celle de l’engrenage de mensonges dans lesquels ils se retrouvent peu à peu pris. Soit un excellent sujet pour une réflexion, certes classique, sur les beautés de la famille (ce qu’on ferait pour les gens qu’on aime…) et ses laideurs (… au prix de sacrifier toute morale…).
En 2018, selon un schéma bien connu, le cinéma nord-américain décide de récupérer / adapter cette même histoire, qui ne nécessite pas beaucoup d’efforts pour être transposés aux USA : ce sont les sympathiques pirates de Blumhouse Productions qui s’y collent, même si l’on est assez loin ici de leur habituel terrain de jeu, plutôt fantastique. Malheureusement, Apparence Trompeuse (ou Between Earth and Sky, ou encore The Lie !), le film de la Canadienne Veena Sud, peu connue malgré son travail à la télévision, ne soulève pas non plus beaucoup d’enthousiasme quand il sort, et risque bien de sombrer dans l’oubli.
En 2020, Blumhouse fait un deal avec la plateforme Amazon Prime, que l’on imagine frustrée par la concurrence des films fantastiques et de SF proliférant chez Netflix à la grande joie des téléspectateurs. Et voilà The Lie (ou Apparence Trompeuse), avec si l’on veut une sorte de virginité retrouvée, « refourgué » au monde entier. Cette histoire en est-elle devenue meilleure ? Et le film lui-même ?
Eh bien, il y a des défenseurs du film, comme chez la vénérable revue pour papys rockeurs, Rock & Folk, qui célèbre dans son numéro de décembre un film « bien, bien, bien tendu », qui fonctionne « grâce à sa direction d’acteurs » : ils n’ont pas tort, puisque Peter Sarsgaard – régulièrement excellent au cinéma en être répugnant ou au moins ambigu – et Mireille Enos – actrice TV au talent certain – sont la principale raison pour laquelle on peut regarder le film. La seule, rétorqueront les nombreux détracteurs d’Apparence Trompeuse, douchés par les comportements totalement invraisemblables de TOUS les personnages du film, mais surtout peut-être par un twist final qui, au-delà d’être relativement prévisible pour quiconque est rompu à ce sport extrême (celui de deviner à l’avance les twists pourris…), finit par décrédibiliser un film qui avait su malgré tout maintenir une certaine tenue au niveau mise en scène.
Bref, on ne passera pas un mauvais moment devant ce film qui a un véritable propos – hérité du scénario allemand original – sur la « monstruosité ordinaire », mais on regrettera que Veena Sud (et Jason Blum…) jouent la mauvaise carte en essayant d’être trop malins, au lieu de se contenter de laisser les deux acteurs principaux nous emmener tranquillement avec eux au bout de ce voyage vers l’enfer.
Eric Debarnot