Avec un second volume presque aussi impressionnant que le premier pour Mind Mgmt, nous voilà une fois encore plongés dans un univers aussi original que violent, confirmant l’importance de l’œuvre de Matt Kindt.
On va donc parier que tous ceux intéressés par un avis sur le second volume de Mind Mgmt, l’œuvre réellement considérable (d’ailleurs publiée en France chez Monsieur Toussaint Louverture, c’est toujours une preuve d’ambition et de singularité !) de Matt Kindt savent de quoi il retourne. Qu’ils ont « survécu » aux épreuves d’un premier tome, aussi renversant qu’exigeant. Qu’ils ont décidé de continuer l’aventure. Qu’ils savent que pour profiter pleinement de la lecture de Mind Mgmt 2/3, il faut être prêt à retourner à chaque page le livre et à bien chausser ses lunettes de lecture pour déchiffrer les messages – ou même les petits récits complémentaires imprimés sur la gauche de la page (et qu’il convient de le faire sans faute à chaque page, tant certains de ces textes apportent une perspective importante par rapport au récit… !)…
Bref, nous sommes ici entre initiés, voire, osons le mot, entre « élus ». Entre passionnés qui veulent connaître la suite du combat sans merci que se livrent entre eux les ex-agents de la terrifiante agence d’espionnage américaine « Mind Mgmt », désormais dissoute suite au danger qu’elle représente pour l’humanité : car ces agents secrets à la retraite sont doués de super-pouvoirs psychiques ou physiques (eh oui, c’est à la mode ! Il ne faut pas oublier que Kindt a coopéré un temps avec les mastodontes américains des comics) qui leur permettent de faire et défaire des régimes politiques, voire des sociétés entières. D’un côté, autour de l’ambigu mais fascinant Harry Lyme, une équipe qui ne veut surtout pas que le Mind Mgmt renaisse de ses cendres ; de l’autre autour du mystérieux Effaceur, une bande adverse souhaitant remettre sur pied l’organisation. Et entre les deux, Meru, que l’on a découverte paumée amnésique au début du premier volume, et qui pourrait bien s’avérer le personnage-clé dans cette lutte.
Ce second tome va nous apprendre énormément de choses sur les personnages, puisque tout en faisant progresser l’intrigue, avec en particulier ces combats meurtriers entre les deux clans qui occupent toute la seconde partie du volume (ouaouh, de l’action ! En fait, pas vraiment, surtout de la cruauté, de la violence insoutenable, de la souffrance…), Kindt nous nourrit de flashbacks et d’interludes qui nous permettent de mieux situer les personnages, leur passé, leur évolution. Mais le sommet de ce tome reste peut-être la toute première partie, ces 100 premières pages fantastiques qui déroulent froidement, implacablement, l’impact destructeur du « réveil » d’une agent « en sommeil » sur la communauté banlieusarde où il vit.
Bref, beaucoup, beaucoup de plaisir encore dans ce second tome qui, s’il ne bénéficie plus de l’effet de surprise, voire de sidération, du premier, nous attache encore plus émotionnellement à ses personnages, tout en créant encore de plus de confusion quant aux buts de chacun, et donc en s’affranchissant des notions trop simplistes de bien et de mal, définitivement perdues dans ce monde terrifiant où jeux d’espionnage et super-pouvoirs constituent un milieu particulièrement délétère et destructeur.
A suivre dans un troisième volume qui s’annonce dantesque.
Eric Debarnot