Remarquable thriller horrifique sud-coréen basé sur un concept très SF, The Call est une réussite passionnante grâce à une interprétation hors pair, une mise en scène stylée et un scénario ultra-intelligent… enfin, au moins jusqu’au générique de fin, que nous vous conseillons d’éviter.
Voilà des décennies que l’on célèbre le talent unique qu’a le jeune cinéma coréen pour rompre toutes les barrières habituelles entre les genres cinématographiques, pour proposer une expérience originale, stimulante et souvent inédite. Bien entendu, la recette est plus savoureuse quand elle est préparée par des maîtres comme Bong Joon-Ho ou Park Chan-Wook, mais The Call, récente production du Pays du Matin Calme récupérée par Netflix du fait du Covid19, montre qu’elle fonctionne très bien aussi sur le territoire plus « bas de gamme » couvert par la plateforme. Car The Call, c’est quoi ? Un thriller (avec serial killer qu’il faut trouver le moyen d’arrêter à temps) ? Un film de SF (avec ce lien temporel entre deux époques à travers un téléphone dans une inquiétante demeure) ? Un film d’horreur (avec exorcisme sanglant et scènes éprouvantes – mais, ouf ! sans jump scares) ? Tout à la fois, et, logiquement, rien de tout cela. Ce qui réjouira ceux qui aiment être surpris, et consternera ceux qui trouveront le film largement insaisissable, ce qu’il est en effet.
Inspirée par le scénario de The Caller, un film britannico-porto-ricain peu remarqué à l’époque de sa sortie en 2011, l’histoire de The Call est très séduisante, pour qui aime les « mindfucks » temporels, et les éventuels paradoxes qui en découlent : Seo-yon (incarnée par la jolie Park Shin-Hye, artiste aux multiples talents puisqu’elle chante, danse, et est modèle et actrice à la fois – nous l’avons découverte récemment dans #Alive…) revient dans une étrange maison où elle a vécu avec ses parents, torturée par une profonde culpabilité vis-à-vis de sa mère, et entre en contact par téléphone avec une jeune fille, Young-sook (Jeon Jong-Seo, que nous avions aimée dans le magnifique Burning), tourmentée, elle, par une mère abusive et violente, qui vivait dans cette même demeure 20 ans auparavant. A partir de ce point de départ, qui demande évidemment de laisser au vestiaire toute velléité rationnelle, Lee Chung-Hyun a écrit et réalisé une très sombre histoire de combat à distance (20 ans !) entre deux femmes qui partagent nombre d’obsessions et doivent rivaliser d’ingéniosité pour l’emporter l’une sur l’autre. Lee Chung-Hyun est un débutant, n’ayant réalisé qu’un court métrage jusque-là, mais il fait preuve d’une superbe maîtrise dans sa mise en scène : outre son talent pour multiplier les scènes esthétiquement superbes, il réussit à nous conter sans nous perdre une sorte de partie d’échecs démente, pleine de coups retors. Il ne nous prend jamais pour des attardés en nous assénant des explications inutiles, ni ne nous mène par le bout du nez avec des trucs usés de scénariste sérieusement confiné, du genre twists bien pourris ou accumulation de fausses pistes. Une véritable leçon d’intégrité, The Call…
… enfin, jusqu’à son générique de fin, où, pour une raison qui nous échappe encore, Lee Chung-Hyun nous balance une sorte de « fin alternative », qui rompt toutes les règles temporelles que le scénario avait établies et respectées jusque-là : c’est totalement ridicule, complètement inutile, et ça laisse un sale goût dans la bouche à la fin d’un film qu’on était prêts à recommander sans réserve. Donc, dès que vous voyez le premier nom du générique de fin apparaître, coupez tout ! Vous vous ferez une vraie faveur et resterez avec le joli souvenir d’une belle réussite.
Eric Debarnot