L’Aliéniste, série populaire tirée de romans à succès, est l’un des rares exemples à date d’une seconde saison très supérieure à la première. Une bonne raison pour battre le rappel des téléspectateurs que la série avait déçus.
Manque de complexité et d’ambiguïté du personnage principal, peu incarné par un Daniel Brühl mal à l’aise, absence d’originalité d’un scénario basé sur la menace d’un serial killer déjà vue et revue cent fois ailleurs et en mieux, accumulation de stéréotypes paresseux, dignes d’un « feuilleton télévisé » des années 70… la plupart des téléspectateurs n’avaient pas de mots assez durs pour juger de l’échec de l’adaptation de l’Aliéniste de Caleb Carr (… qui faisait pourtant partie de l’équipe en charge de la série !).
Du coup, on imagine bien que la sortie d’une seconde saison, deux ans plus tard, n’a guère provoqué d’excitation, et que nombre des déçus ont décidé de faire l’impasse. Ce serait pourtant une erreur de ne pas tenter à nouveau l’aventure : nous sommes devant le cas exemplaire de producteurs qui ont écouté les critiques à leur égard, et qui ont rectifié le tir de manière étonnante dans cet Angel of Darkness qui s’avère ma foi de très bonne facture, tout en restant sagement sur son territoire de série populaire aux ambitions limitées à un « simple et bon divertissement ».
Brühl est à côté de la plaque ? Facile à résoudre, il n’est plus qu’un personnage secondaire de l’intrigue, le devant de la scène étant occupé par le couple Dakota Fanning (à qui on a également demandé de se réveiller et de mettre un peu plus d’énergie dans son rôle) et Luke Evans. Marre des Serial Killers ? ça tombe bien, car le sujet de Angel of Darkness tourne autour d’une psychose féminine, ce qui permet de mettre au centre de la saison un personnage féminin peu habituel, lui, très bien incarné par une excellente Rosy McEwen, une actrice débutante au fort charisme, qui rappellerait presque la jeune Nicole Kidman. Trop de stéréotypes dans le scénario ? On adoptera cette fois un rythme original, avec plusieurs ruptures dans l’intrigue, qui permettent de relancer l’intérêt du téléspectateur sans (trop) passer par le jeu usé des « faux coupables ». Et on ajoutera une bonne dose d’ambiguïté chez les personnages : plus de méchants vraiment caricaturaux, on se retrouve devant des « vrais » personnages de cinéma qui ont tous leurs raisons d’agir, et qui évoluent parce qu’ils sont – logiquement – affectés par les événements qu’ils vivent (on pense par exemple au Chief Thomas Byrne, très bien campé par un Ted Levine qui arrive enfin à surpasser son personnage emblématique du Silence des Agneaux…).
Mais là où l’équipe réunie autour de Caleb Carr – il n’est pas vraiment clair en l’occurrence qui est le showrunner ! – a redoublé d’intelligence, c’est en misant à nouveau sur les points forts de la première saison : le contexte historique et la jolie romance impossible entre Sara Howard et John Moore (Luke Evans, une fois encore impeccable, et prouvant ici qu’il a un réel potentiel pas encore assez exploité sur le grand écran…). Pour le contexte historique, même si l’on peut renâcler devant une vision anachronique de la lutte pour l’émancipation de la femme, on est gâtés, avec la présence dans l’histoire de William R. Hearst, représentation parfaite du tycoon « trumpien » (mais en plus intelligent) ayant une vision purement commerciale des medias, avec le conflit entre les Etats-Unis et l’Espagne autour de Cuba, et avec le sujet passionnant de la clinique servant à faire disparaître les conséquences gênantes des infidélités de ces messieurs de la haute société new-yorkaise. Du côté sentimental, nos cœurs de midinettes battront fort pour nos deux tourtereaux au long des huit épisodes de cette seconde saison, tout en reconnaissant que le triomphe final de la réalité a décidément bien de l’allure.
On en arriverait presque à espérer une troisième saison, pourquoi pas en Autriche, autour de la figure de Freud ?
Eric Debarnot