Echappée en solitaire très intime et intimiste pour Tom Sanders, le leader de nos chouchous de Teleman : pas si loin que ça des musiques du groupe, Only Magic nous propose une version plus dépouillée et plus mélancolique de leur électro-pop.
Deux ans déjà se sont écoulés depuis le troisième et dernier album de Teleman, merveilleux groupe electro-pop anglais aux mélodies parfaites et à l’insuccès rageant. Alors que nous espérions un successeur à Family of Aliens, voici que Tom Sanders (plus connu sous le nom de Thomas Sanders), le leader du groupe, nous offre à la place son premier album solo, Only Magic. En espérant que cette escapade en solo n’est que ça, et ne signifie pas la fin d’un groupe aussi précieux, nous nous sommes lancés en toute confiance dans les quarante minutes – et 10 chansons, une sorte d’étalon du disque pop parfait – de ce qui s’avère une sorte d’odyssée très intime dans l’univers de ce compositeur surdoué.
Au premier abord, et c’est sans doute inévitable quand il s’agit d’un groupe que nous aimons autant, il y a une légère déception : Only Magic, c’est un album de Teleman privé de son grain de folie, de ses embardées rock, de ses (petites) accélérations tellement joyeuses… donc une sorte de version « diminuée » de Teleman. Car, et c’est après tout logique, on retrouve exactement le même style de mélodies, les mêmes lyrics simples mais émotionnellement forts, et bien sûr le même chant (cette voix haut perchée, très particulière, de Tom Sanders)… ce qui nous console largement.
Ce qui change ici, c’est la grande discrétion des guitares – surprenante si l’on pense que Sanders est avant tout guitariste – et, en dépit d’une prépondérance des claviers déjà audibles dans Family of Aliens, un son (très) légèrement moins électro. Mais aussi une atmosphère encore plus systématiquement intimiste. Là où Teleman a choisi un geste artistique minimaliste, s’apparentant à une démarche post-moderniste, Sanders en solo va vers un dépouillement encore plus extrême pour que l’oreille puisse mieux se concentrer sur les textes et le chant : même s’il y a sur Only Magic une poignée de mélodies formidables (Touch Down, peut-être le plus beau titre de l’album, Little Human, le premier single…), on est finalement plus proche d’un album « folk » que pop.
Dans un interview donné avant la sortie de son disque, Sanders citait parmi ses influences des chansons de Simon and Garfunkel (pour la sincérité et la pureté de la voix de Paul Simon, clairement une référence, vocalement), de James Blake (pour le minimalisme et l’ambiance mystérieuse) et même de notre Sébastien Tellier national (pour la simplicité de paroles qui expriment avec le plus de précision possible un message clair).
« So many towns so many heartbeats / Is it too much to love them all? / Some people hurt you make you see / It’s not the game you thought / Oh, Just never grow old. » (Tant de villes, tant de cœurs qui battent / Est-ce trop de les aimer tous ? / Certaines personnes vous font du mal, et vous font réaliser / Que tout ça n’est pas le jeu tu imaginais… / Oh, ne vieillit jamais… ») : Little Human nous donne la piste la plus claire quant à ce qui était le projet de Tom Sanders ici. Parler comme un papa préoccupé par la vie future de sa fille, nous parler à nous comme un ami « ordinaire », loin du musicien de rock qu’il est depuis maintenant 15 ans et la création de Pete and the Pirates. De ce point de vue-là, on peut considérer Only Magic comme son album le plus direct, le plus honnête, et sans doute le plus touchant.
Eric Debarnot