Nos romans favoris pour 2020 sont signés Pierre Lemaitre, Hervé Le Tellier, Laurent Mauvignier, John Le Carré, Mircea Cartarescu, Vanessa Springora, Colson Whitehead, Laurent Petitmangin, Hadrien Bels et Gyrðir Elíasson.
Pour certains, 2020 aura été une année riche en séries ou en films visionnés sur petit écran, pour d’autres 2020 aurait été l’année de toutes les lectures. Une année placée sous le signe du confinement durant laquelle la lecture aura pu être un refuge, un temps retrouvé pour se plonger dans de copieux et passionnants romans. Voici donc une sélection de 10 romans « coup de cœur » qui ont fait notre joie entre janvier et décembre 2020.
Miroir de nos peines – Pierre Lemaitre
Avec Miroir de nos peines, Pierre Lemaitre clôt sans trilogie en beauté, nous offrant un roman d’une puissance romanesque incroyable, un livre rempli de personnages complexes, pour certains à la fois odieux, généreux, manipulateur, pour lesquels on a bien du mal de se faire une opinion définitive. Un roman feuilletonesque, jubilatoire, drôle, piquant, fourmillant de descriptions et d’impressions, à la hauteur des grands classiques de la littérature française signé par un auteur qui nous raconte un petit bout d’histoire avec passion et générosité, mais sans jamais de prendre au sérieux. Un petit chef-d’œuvre ! (Albin Michel) – lire la critique
L’anomalie – Hervé Le Tellier
Couronné du prestigieux Prix Goncourt 2020, L’anomalie propose un un récit digne d’un épisode de la 4e dimension, cette mythique série créée en 1959 par Rod Sterling. Un roman aux allures de thriller fantastique, à l’écriture ciselée et d’une efficacité redoutable dans lequel Hervé le Tellier soulève des questions et évoque des thèmes bien actuels, aves des personnages dont certains semblent partager quelques traits communs ou caractéristiques avec des personnalités bien réelles… Sûr qu’on retrouvera un jour ce palpitant roman adapté au cinéma ou en série. (Gallimard) – lire la critique
Histoires de la nuit – Laurent Mauvignier
Le pitch complet pourrait se dérouler en une poignée de lignes, le livre quant à lui compte plus de six cents pages. C’est dire combien le rythme des évènements y est lent, très lent, même si le lecteur ne s’endort jamais, bien au contraire, embarqué qu’il est dans un polar rural sous tension psychologique où tout semble y être disséqué, le long d’un incessant courant de phrases marathoniennes qui délivrent au compte goutte les informations sur les protagonistes. Avec ce brillant roman, Laurent Mauvignier prend le lecteur en otage dans les filets de son thriller psychologique à la prose minimaliste et intarissable, dans un huis-clos suffocant, quelque part dans un hameau isolé. (Editions de Minuit) – lire la critique
Retour de Service – John Le Carré
John Le Carré nous a quitté cette année à l’âge de 89 ans. Retour de Service a encore confirmé ce talent immense de cet ancien des services secrets britanniques, pro-européen convaincu, qui n’a eu de cesse de dénoncer la perversité des services de l’Etat, la lâcheté des politiques, et l’horreur absolue des guerres. Retour de Service est un livre court, que l’on dévore d’une traite, qui nous accroche dès ses premières pages, comme un thriller populaire. On y attend constamment le prochain rebondissement, le prochain retournement de situation qui va nous surprendre, et ce jusqu’aux dernières pages, qui, à la manière développée par Le Carré, se caractérisent par une accélération soudaine de la fiction, et une fin brutale, nous laissant suspendus au-dessus du gouffre. Le dernier gouffre. (Le Seuil) – lire la critique
Solénoïde – Mircea Cartarescu
Une histoire irracontable à l’onirisme fou, pleine d’amour et de sexe, de sperme et de sang, de gens qui meurent et des naissances, des enfants qui souffrent et qui n’apprennent rien à l’école, des enseignants et enseignantes qui n’enseignent pas grand chose (mais qu’est-ce qu’il y a à apprendre?), des gens qui disparaissent et réapparaissent, des usines qui n’ont aucun sens, grandes comme les cathédrales souterraines de Chtulu, des médecins qui ne soignent pas. Mircea Cartarescu convoque Italo Calvino, Kafka, Borges et Lovecraft pour un roman-monde délirant et indispensable, onirique et pessimiste mais qui rendra heureux malgré tout. (Noir sur Blanc) – lire la critique
Le consentement – Vanessa Springora
Au-delà du témoignage à la fois fort, éclairant, lucide, et sans jamais donner l’impression que l’auteure s’apitoie sur son sort, ce livre de Vanessa Springora est un formidable éclairage sur l’évolution des mentalités, des mœurs au cours de ces dernières décennies dans le monde intellectuel français. On se rend compte une fois le plus combien le phénomène #metoo a pu avoir une influence et un retentissement dans la libération de la parole de beaucoup de femmes, dont certaines n’hésitent plus aujourd’hui à raconter leur passé, sous l’emprise de mâles pervers, à dire au grand jour le mal qu’ont pu faire certains hommes publiques après des femmes qui les entouraient. (Grasset) – lire la critique
Nickel Boys – Colson Whitehead
Colson Whitehad nous embarque dans l’Amérique ségrégationniste des années 60, mais aussi celle de l’après. Il s’inspire d’une école de redressement aux méthodes terrifiantes, et invente la sienne, la Nickel Academy. L’occasion pour lui de raconter une histoire d’amitié romanesque entre deux de ses reclus aux destinées cruelles. Construit avec une grande maîtrise sur un avant, un pendant et un après la fréquentation de la Nickel Academy à travers un superbe personnage, Nickel Boys met de nouveau en exergue les préoccupations de Colson Whitehead autour de la répression raciale et l’enfermement, avec un nouveau Pulitzer à la clé. (Albin Michel) – lire la critique
Ce qu’il faut de nuit – Laurent Petitmangin
Laurent Petitmangin nous plonge au cœur d’une famille mono-parentale en Lorraine, une fratrie de deux garçons élevée par le père veuf, en élevant au plus haut degré d’intensité les ressentis chez le lecteur. Un premier roman qui culmine au plus haut niveau d’intensité émotionnelle, allié à une écriture à la fois simple et fluide pour cet auteur à suivre de près au cours des années à venir, tant ce livre (couronné du prix Stanislas, du Fémina des lycéens 2020) se démarque par sa force par la fulgurance des émotions qu’il délivre à travers « une sensibilité et une finesse infinies », dixit avec justesse la quatrième de couverture. Une des belles découvertes de cette année 2020. (La Manufacture de livres) – lire la critique
Cinq dans tes yeux – Hadrien Bels
C’est l’histoire de Stress, Nordine, Ichem, Kassim Djamel et Ange, un groupe de copains dans les années 90, vivant dans un quartier populaire de Marseille, le Panier, où ils ont passé leur jeunesse. Des années après, Stress se remémore cette période non sans une certaine nostalgie. Avec Cinq dans tes yeux, Hadrien Bels signe un premier roman qui a secoué la rentrée littéraire 2020. Un livre qui prend la forme d’une charge explosive contre la gentrification ou la bobo-isation de la société contenue dans le livre. Une belle ironie pour certaines revues aux pages « lifestyle » ou « où est le style » et autres rédactionnels ou publicités pour une catégorie de la population contre laquelle le personnage central de ce roman a une certaine rancœur. (Editions L’iconoclaste) – lire la critique
La fenêtre au sud – Gyrðir Elíasson
Jonas est écrivain. Jonas vit dans une maison noire, à l’écart d’un village ou d’une petite ville au bord de la mer en Islande. Jonas aimerait bien écrire mais n’y arrive pas bien. Gyrðir Elíassonnous fait le récit des hésitations doutes, peurs de son de son personnage. Il nous livre le journal intime des saisons d’un écrivain face à l’infini de la mer, face à l’infini de la vie. La fenêtre au sud est un roman précieux et délicat. Doux et très fort. Un roman à l’écriture simple et pure, un roman chargé d’une certaine tension mais sans effusion ni grands sentiments, un roman humain sur l’humanité. (Editions La peuplade) – lire la critique
Bonus :
Manchette – Lettres du mauvais temps. Correspondance 1977-1995
Jean-Patrick Manchette est un auteur de polar indispensable. Ses romans le sont. Ses chroniques également. Rien ne vous décevra. Tout est bon chez lui. Sa correspondance peut-être plus que le reste. Manchette écrit ses lettres avec un soin infini, non seulement pour la forme (le style) mais le fond également. Des réflexions d’une justesse et d’une richesse incroyable sur l’écriture, la littérature policière, la société, le dévouement, l’amitié et l’amour. Une correspondance qui se lit comme un roman, même si on connaît la fin ! (La Table Ronde) – lire la critique