Avec Le Cri du Moloch, Jean Dufaux et Christian Cailleaux clôturent le triptyque ouvert en 1953, par Edgar P. Jacob avec La Marque jaune, une histoire qu’ils ont passablement alourdie.
De 1946 à 1971, Edgar P. Jacob signa 10 albums d’une fascinante inventivité. Au fil des tomes, il explora une guerre totale et l’ancienne Égypte, inventa l’onde Méga et la guerre météo, découvrit les Atlantes et le voyage dans le temps, osa une simple affaire policière ou joua avec la robotique. Depuis sa mort, l’éditeur a produit 15 albums.
L’effort serait louable, si la créativité était encore de mise. Or, toute prise de risques y est interdite. Nos héros sont prisonniers des années 1950. Les scénaristes sont priés de recycler à l’infini les thèmes initiaux et d’intégrer un Olrik, dont les innombrables échecs ont entamé le charisme.
La Marque jaune brillait par sa simplicité. Un bandit masqué sème la terreur dans Londres. En s’emparant de la couronne, il humilie la police. Le très orgueilleux et très rancunier docteur Septimus impose sa volonté à Olric, le réduisant en esclave, tout en accroissant sa force.
Jean Dufaux avait signé L’Onde Septimus, ce « sequel » de La Marque jaune n’avait guère convaincu. Sept ans plus tard, il en publie la fin. L’intrigue du Cri du Moloch est indigeste et la lecture des opus précédents s’avère indispensable. Feu Septimus est réapparu. Son onde Méga suscite les convoitises. Mortimer en escompte une avancée médicale, tandis qu’une organisation secrète y voit le moyen de s’emparer du pouvoir. Des vétérans de la Grande Guerre ont sombré dans la folie après avoir mis à jour une épave extraterrestre, cousine des appareils atlantes. Si on ajoute une réminiscence égyptienne, de photogéniques hiéroglyphes et un vieux cargo… C’est trop.
Comme ses prédécesseurs, le dessin de Christian Caillaux respecte le cahier des charges : ligne claire et aplats de couleurs sombres, abondance de nuit et brouillard, de caves et de quais, de décors réalistes et précis. Tout au plus, peine-t-il à reproduire quelques visages.
L’éditeur n’a toléré que deux fantaisies : les figurations de Winston Churchill et de la reine Élisabeth, et une forme de rédemption, bienvenue, pour Olrik. L’album est à réserver aux fans, encore nombreux, de la série, ou à aux nostalgiques du vieux Londres, objectivement bien rendu.
Stéphane de Boysson