Laurent-Frédéric Bollée et Federico Nardo nous font découvrir un héros parfait : marin intrépide, scientifique accompli, capitaine apprécié aussi bien par ses hommes que par sa hiérarchie et martyr de la science.
L’histoire est presque trop belle : ce fils d’un valet de ferme élevé loin de la mer s’engage comme mousse, puis monte par le rang. L.-F. Bollée est un scénariste accompli. Ne lui doit-pas les extraordinaires Terra Australis et La Bombe, des pavés historiques, mais aussi, plus commerciaux, un album de XIII ou la récente reprise de Bruno Brasil ?
Bollée évite l’hagiographie et maintient un certain suspense. Il joue astucieusement avec les époques, débute par ce que l’on pressent être sa fin, avant de remonter le temps. Cook ne se contente pas, comme la génération des Magellan et Christophe Colomb de découvrir, il étudie. Il se forme à la cartographie. L’océan Pacifique est une terra incognita, il dessinera ses propres cartes ! Si Bollée nous conte l’émerveillement des scientifiques européens, il n’oublie pas les « sauvages ». Notre héros ne s’interdit pas de les rudoyer en cas d’agressions, avant de prendre possession de leurs îles au nom de la couronne britannique. Certes, pressé, il ne fait que passer, les colons ne débarqueront que plus tard.
Le dessin de Federico Nardo est conforme au standard des séries réalistes contemporaines, un travail soigné, mais rapide. Beaucoup de visages en gros plans, souvent souriants, et peu de décors. Le travail de documentation est manifeste sur les tenues et les accessoires. Quelques pages sortent du lot : des atmosphères nocturnes, une séquence dans le brouillard anglais et deux impressionnants tirs de fusil. Curieusement pour une monographie de marin, il ne propose que peu de scènes de navigation et aucune tempête, mais des vues de Londres et des îles du Pacifique. Cook explore pour apprendre et comprendre. Il arpente, mesure et dessine. Ce gars est sérieux. Il embarque pour un voyage de trois ans ! Plus du tiers de son équipage y laisse la vie, succombant à la malaria, la fatigue ou la noyade. L’exploration est plus dangereuse que la guerre, dure époque.
Stéphane de Boysson