Il est vrai qu’on y croyait plus vraiment après des saisons pour le moins erratiques et décevantes, mais la saison 10 de The Walking Dead a renoué avec le meilleur des débuts de cette série qui refuse décidément, à l’image de ses « héros » de mourir.
Victime de la pandémie globale…
Alors que la dixième saison de l’une des très rares séries modernes vétéranes encore « en activité », The Walking Dead, s’est bouclée sur un seizième épisode retardé de près de 6 mois pour cause – ironie du sort – de pandémie globale, il est temps de faire le point. Si l’on ignore la partie de la population terrestre indifférente aux séries TV – des résistants dont le nombre décroit régulièrement – on peut clairement distinguer pour Walking Dead la horde des vrais fans – prêts à défendre à coups de morsures bien infectées leur série préférée, qui a en effet été l’une des plus regardées sur la planète – des autres, qui se sont peu à peu désintéressés d’une œuvre qu’ils estiment archi-commerciale, clairement peu ambitieuse, et dont la qualité générale (de narration, de mise en scène, d’interprétation) s’est avérée pour le moins variable – en restant gentils – au cours des 10 années s’étant écoulées depuis cette fameuse première saison, dirigée par Frank Darabont, qui avait à son époque causé un gros buzz.
Si le départ précipité de Darabont avait tout de suite généré des interrogations sur Walking Dead, les saisons 3 à 6 avaient réussi à continuer sur l’élan acquis, grâce à l’entrée en lice de personnages réellement iconiques, comme Michonne (Danai Gurira) ou Darryl (Norman Reedus), deux incontournables qui auront vaillamment soutenu la série, bon an mal an, sur leurs robustes épaules… Deux « nouvelles stars » qui auront réussi à compenser la faiblesse du personnage principal, Rick Grimes, talon d’Achille de Walking Dead, combinant pas mal de tares : d’un côté le manque de charisme redoutable de l’acteur Andrew Lincoln, de l’autre des variations psychologiques difficilement défendables (l’un des problèmes graves de l’écriture de Walking Dead, pour nombre de personnages, en fait).
Bad boys & girls…
Suivant l’adage de l’oncle Hitch, Walking Dead n’aura jamais été meilleur que son « bad guy », et il faut bien reconnaître que les sommets de la série ont toujours coïncidés avec le charisme maximal des grands antagonistes au groupe de survivants dont nous suivons la progression – ou plutôt le sur-place : le premier a été le formidable Governor (David Morrissey, impeccable, en particulier dans une remarquable Saison 3), puis est apparu le grand Negan – son perfecto et sa batte de baseball iconique -, à l’occasion de l’une des scènes les plus mémorables de tous les temps en fin de saison 6. Mais le charisme indiscutable du personnage s’est peu à peu dilué, à force de sur-jeu et de maniérisme de la part d’un Jeffrey Dean Morgan en roue libre avec ses mimiques clownesques… On a pataugé au long des désastreuses saisons 7 et 8, jusqu’au véritable « breakthrough » de la neuvième saison, qui a vu, suite à un changement radical de l’équipe aux commandes, l’apparition de la magnifique Samantha Morton dans le rôle d’Alpha, la leader impitoyable des Chuchoteurs, et le retour concomitant de Walking Dead à une certaine qualité.
Des problèmes récurrents sérieux…
Car les problèmes récurrents de la série ont toujours été sérieux : au-delà d’une écriture erratique des personnages, le thème de fond – qui est celui du comic book de Robert Kirkman dont est inspirée Walking Dead – est quand même limité : en gros, on nous répète que « l’homme est un loup pour l’homme », et qu’une fois la société effondrée, le vrai danger viendra de l’autre), et, au bout de dix ans, cela ne surprendra plus personne. On y ajoute un point de vue assez nauséabond – Tea Party et NRA, extrême-droitiste si l’on veut – sur la nécessité du port d’armes et les bienfaits d’une justice expéditive « façon Wild West » pour préserver l’Amérique de cet « Autre », monstre forcément répugnant. On déplore aussi la propension des scénaristes à accumuler des problèmes psychologiques sans fin et à enfiler en de longs tunnels accablants des discussions oiseuses entre les protagonistes. On relève enfin l’insistance à filmer de façon très laide des paysages grisâtres et uniformes de forêts et de champs indifférenciés, aggravée par l’incapacité à bien mettre en scène des scènes de combat répétitives contre nos chers zombies (impeccablement caractérisés, eux, et c’est là l’un des vrais points forts de la série) : il faut bien admettre qu’il y aura eu longtemps peu de raisons valables de perdre son temps devant Walking Dead.
Et puis… la dixième saison…
Et puis, et puis… voilà que l’on nous propose cette dixième saison, où toutes les pendules semblent avoir été remises à l’heure : après une introduction de 3 épisodes encore un peu flous, on nous raconte enfin une histoire intéressante – ces infiltrés de part et d’autre, ces surprises et ces révélations qui témoignent d’un véritable scénario, écrit pour impliquer émotionnellement les téléspectateurs -, on nous fait enfin vibrer à nouveau pour les personnages. Walking Dead est redevenu amusant, effrayant et même parfois palpitant : l’enchaînement des excellents épisodes 10, 11 et 12 est ce que l’on a vu de mieux depuis des années, et la bataille finale (Burning Down the House ! Merci de la part des fans des Talking Heads !) remarquable de tension en dépit des effets digitaux discutables de la dernière scène.
On nous a promis à partir de fin février, pour patienter avant une onzième saison qui devrait boucler la saga, 6 épisodes décrivant les parcours individuels des personnages-clé de la série. La rumeur bruisse sur le Net à propos de spin-offs possibles qui iraient explorer le monde de Robert Kirkman dans d’autres genres, en particulier sur le mode comique. Bref, on est loin d’en avoir terminé avec The Walking Dead, et on n’a pas fini de trembler… pour de bonnes mais aussi de mauvaises raisons…
En tout cas, nous, on a bien aimé cette dixième saison, c’est toujours ça de pris !
Eric Debarnot