Après deux premières saisons très intéressantes de par leur approche originale – plus psychologique que policière – d’enquête criminelles, The Sinner s’égare dramatiquement dans une intrigue mal ficelée et peu crédible.
Si la mise en ligne sur Netflix France de la troisième saison de la série américaine The Sinner, diffusée aux USA en mars 2020, se fait étrangement attendre, peut-être faut-il chercher une explication à ce retard dans la réception très mitigée qu’a reçu ce troisième volet des enquêtes de notre cher détective très perturbé, Harry Ambrose ?
Elles démarrent pourtant très bien, nos retrouvailles avec le plus borderline des policiers, toujours plus vieux, toujours plus fatigué, et désormais affligé d’une sciatique très handicapante : une étrange « sortie de route » d’une voiture dans les bois, un suspect fascinant – Matt Bomer, certes très mignon, mais qui va prouver dans cette saison qu’il n’est pas qu’une jolie gueule, et va se révéler convaincant dans un rôle difficile car très ambigu – et le mécanisme de la fascination envers le crime s’enclenche. Les quatre premiers épisodes s’avèrent même particulièrement stimulants, et il sera difficile aux cinéphiles de ne pas faire le parallèle avec la Corde de Hitchcock, construit à partir de la même fascination douteuse pour des principes criminels inspirés par une mauvaise lecture de Nietzsche.
C’est malheureusement à ce moment-là que les scénaristes s’emmêlent dramatiquement les pinceaux, et envoient valser leur intrigue dans le décor, à la faveur d’une virée new yorkaise particulièrement ridicule, et par un comportement général aberrant de la police face au criminel. Bill Pullman, normalement si convaincant, rame visiblement à incarner un Harry Ambrose, absurdement fasciné et empathique vis-à-vis de son adversaire (ce qui, soulignons-le, est incohérent avec les névroses qu’il a exhibées durant les deux premières saisons, et qui justifiaient alors très bien son approche « psychologique » des criminels) : on se demande si l’air paniqué et perdu qu’il arbore dans la seconde partie de la saison n’est pas la réaction naturelle d’un bon acteur qui voit la série qui lui avait permis de revenir au premier plan partir ainsi en sucette !
Bref, on arrête totalement d’y croire, et ce d’autant qu’on est passés sans nécessité ni explication de l’übermensch de Nietzsche à un vague mal-être existentiel de bobos. Il ne nous reste plus, si on arrive à terminer la saison, qu’à nous mettre à compter les invraisemblances et les incohérences d’un scénario catastrophique : entre le personnage de l’artiste peintre qui ne trouve jamais sa place dans l’histoire (et que Jessica Hecht peine à rendre crédible), et les revirements incessants d’à peu près tout le monde, on est largement servi, jusqu’à un final qui frôle le ridicule, et qui n’en est sauvé in extremis que grâce à un Matt Bomer étonnamment touchant.
Une quatrième saison de The Sinner est prévue pour cette année, et on ne peut que craindre le pire.
Eric Debarnot